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D’après le plan du colonel Canrobert, Nara devait être attaqué directement par deux colonnes et tourné par une troisième. L’exécution de ce plan commença le 4 janvier 1850, au soir. Les colonnes d’attaque avaient respectivement pour chefs les commandans Bras-de-Fer et Lavarande ; c’était avec la première que s’était réservé de marcher le colonel Canrobert. La colonne tournante était sous les ordres du colonel Carbuccia. Celle-ci ayant prononcé son mouvement et gagné les derrières de l’ennemi, l’affaire s’engagea, le 6, au point du jour ; elle fut achevée en moins de deux heures. Des défenseurs de Nara cernés de toutes parts il n’échappa aux poursuites de la cavalerie qu’un petit nombre de fugitifs. Les trois villages furent entièrement détruits. Retenu quatre jours au bivouac par la neige qui se mit à tomber à gros flocons, le colonel Canrobert ne put rentrer que le 16 janvier à Batna.

Ajoutée à la ruine de Zaatcha, celle de Nara porta le dernier coup aux derniers fauteurs d’insurrection dans le sud. Cette partie de la province de Constantine pouvait être considérée comme pacifiée ; tel n’était pas, tel ne devait pas être de longtemps encore, l’état de la région septentrionale, de la Grande Kabylie et de ses entours.

Dans une visite que le président de la république avait faite à la citadelle de Ham, en souvenir de sa captivité, il en avait fait sortir Bou-Maza et lui avait assigné la ville pour prison. Quand la nouvelle en fut arrivée en Algérie, il n’en fallut pas davantage pour exciter l’imagination des Arabes et pour provoquer l’apparition d’un Bou-Maza. Le faux chérif, qui se faisait appeler Mohammed-ben-Abdallah, comme le véritable, apparut, au mois de juillet 1849, dans le Djurdjura, escorté par de nombreux Zouaoua que lui avait amenés l’irréconciliable Si-Djoudi. Au mois de septembre, l’agitation avait débordé par-dessus la montagne et s’était répandue dans la vallée de l’Oued-Sahel. À cause de l’insurrection de Zaatcha, le commandant du poste d’Aumale, dégarni de troupes françaises, n’avait pu diriger vers la région troublée qu’un goum de trois cents chevaux, mais il avait mis à sa tête un officier d’une énergie peu commune, le sous-lieutenant Beauprêtre. Le 2 octobre, celui-ci, sans tenir compte de la supériorité numérique de l’ennemi, lança son goum à l’attaque ; en dépit de ses objurgations et de ses imprécations, le faux chérif fut tué par un cavalier arabe, tout ému et frémissant de sa propre audace. Étonné de ce coup de vigueur, Si-Djoudi rentra encore une fois dans la montagne, et, fait plus remarquable encore, à l’autre extrémité de la Kabylie, les frères Ben-Azzeddine en reçurent une telle impression qu’ils vinrent humblement apporter à Constantine la soumission définitive du Zouagha.

Si l’ordre était rétabli sur le cours supérieur de l’Oued-Sahel, il s’en