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que le ciel me réserve ! Si j’aime la guerre, je n’aime pas la politique. Enfin, il faut obéir à sa destinée! » Puis viennent ces réflexions du 18, qui semblent marquer un temps d’arrêt : « Je n’ai nulle envie de m’avancer ni de me compromettre dans la politique. La scène du monde et de la politique est glissante. Le sage reste dans la coulisse, observe et ne paraît qu’à propos. Les Africains qui se sont mis en avant n’ont fait encore que de fausses entrées et de fausses sorties. Le public rit quand il ne murmure pas. Avec tout cela j’aimerais mieux rester en Afrique. Ici l’on a sa réputation dans sa main : à Paris, on la joue sur une phrase, sur un mot, sur une démarche, sur un sourire. J’aime mieux l’Afrique; m’y laissera-t-on? Nous saurons cela dans un mois. » Le 27, la crise approche : « Je n’aime ni la politique ni les affaires. Je suis fourré jusqu’aux oreilles dans les affaires, et la politique me menace comme l’épée de Damoclès. » Voici enfin, le 28, qu’il a mordu à l’appât : « Je viens de recevoir le courrier de France. Tout le monde est content. Le prince, le ministre, me comblent d’éloges. On me nommera général de division à ma rentrée de l’expédition. » C’en est fait; le voilà définitivement acquis et pris.

Pendant ce temps, le général Camou, qui, dès avant d’être rallié par Bosquet, venait de recevoir deux bataillons de la division d’Alger, avait rencontré et battu, le 23 mai, Bou-Baghla, dans la vallée du Bou-Sellam, affluent de l’Oued-Sahel. La jonction faite, il le battit derechef, le 1er juin, de concert avec le général Bosquet. Ne laissant ni aux adhérens du chérif ni au chérif lui-même ni trêve ni relâche, il le contraignit à rentrer dans le Djurdjura. Le 2 juillet, sur la place du marché d’Akbou, les tribus dont le général venait de parcourir le territoire jurèrent, entre les mains du marabout Si-ben-Ali-Chérif, une alliance offensive et défensive contre les entreprises de Bou-Baghla ou de tout autre agitateur. « La mission du général Camou se trouvait dès lors terminée, disait dans son rapport au ministre de la guerre le gouverneur par intérim; toutes les tribus de la rive droite de l’Oued-Sahel, et celles de la rive gauche depuis les Beni-Mellikeuch jusqu’à Bougie, étaient rentrées dans le devoir. Si-ben-Ali-Chérif était réinstallé dans la zaouïa de Chellata avec les honneurs de la guerre et un accroissement d’influence. Bou-Baghla était refoulé chez les Zouaoua et son impuissance démontrée au grand jour. » Le 11 juillet, les généraux Camou et Bosquet se dirent adieu et regagnèrent, le premier Alger, l’autre Sétif.

Cette suite d’opérations, bien moins célébrée que la campagne à fanfare du général de Saint-Arnaud, avait été bien plus profitable. Nous avons abandonné la pièce à spectacle après son deuxième