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C’est pendant le long règne de Frédéric-Guillaume III (1797-1840) que nous allons voir se transformer, — avec toutes les institutions militaires de la Prusse, — l’organisation des remontes en même temps que les principes suivis par les haras. On sait comment l’année 1806 amena l’écroulement de l’édifice militaire si laborieusement élevé par la monarchie prussienne, dont l’existence même fut remise en question. Mais la Prusse trouva dans l’excès même de ses malheurs les élémens de sa future puissance militaire ; les faits sont connus.

A la réorganisation de 1808, telle était la pénurie des chevaux que chaque brigade d’artillerie n’avait d’attelages que pour une batterie promenée de garnison en garnison pour l’instruction des troupes. Encore utilisait-elle exclusivement les chevaux de réforme de la cavalerie. Celle-ci se remontait de toutes mains, comme elle pouvait, mais, faute d’argent, elle avait dû cesser d’acheter des chevaux à l’étranger. On eut de nouveau recours à ce système après la seconde paix de Paris, en 1815. Les régimens envoyaient à la frontière russe des détachemens chargés de ramener leurs remontes, que livraient des marchands juifs. Comme race, ces chevaux, russes, polonais, moldaves, etc., présentaient, malgré d’appréciables qualités de rusticité et d’endurance, de sérieux et graves défauts. Peu réguliers dans leurs allures, de petite taille et communs d’aspect, ayant la tête forte, l’encolure courte et massive, la croupe avalée, des aplombs défectueux, ils se prêtaient peu à l’équitation ramenée qui a toujours été en honneur dans la cavalerie prussienne. Aussi voyons-nous les hommes d’état qui président aux destinées de la Prusse, après la période des guerres napoléoniennes, tenter de soustraire leur pays à la nécessité de se remonter à l’étranger. C’était, en effet, un véritable tribut payé chaque année, pour 1,500 chevaux de remonte environ, non compris les frais de toute sorte occasionnés par l’envoi d’officiers et de cavaliers de tous les régimens au-devant des jeunes chevaux ; et ces frais s’augmentaient d’autant que, en raison de la longueur du voyage de leur pays d’origine a la frontière prussienne, les animaux arrivaient fort irrégulièrement aux points de livraison, et que certains détachemens de remonte restaient quelquefois absens et distraits du service pendant plus de six mois.

Un rapport du général de Boyen, ministre de la guerre, daté du 19 mai 1816, exprime très explicitement les inconvéniens de l’importation des chevaux de race étrangère pour la remonte de l’armée : « L’importation dans notre pays de chevaux d’origine polonaise, dit le ministre, a l’avantage de fournir, à notre cavalerie, une race très appréciée de la plupart de nos officiers, bien