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qu’aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent en faveur de nos espèces indigènes, pour lesquelles semblent devoir se prononcer les résultats d’expériences de chaque jour. En revanche, l’importation a pour nous des inconvéniens décisifs : 1° l’exportation de capitaux considérables au préjudice de notre pays ; 2° la ruine presque totale de l’élevage local ; 3° qu’une guerre survienne, si, faute d’avoir développé l’élevage dans nos provinces, nous sommes tributaires de l’étranger et que ses marchés nous soient fermés subitement, — comme on l’a vu il y a trois ans, — nous restons exposés à de terribles embarras. Il résulte de ces faits que nous devons, avant tout, nous efforcer de relever l’élevage local pendant la paix, et réduire l’importation de chevaux étrangers à ce qui est indispensable pour améliorer nos races, c’est-à-dire à l’introduction d’étalons et de poulinières de choix. Au triple point de vue militaire, économique et politique, je ne crois pas qu’il y ait d’institution dont le développement comporte aujourd’hui un tel caractère d’urgence. »

Les chevaux, à la vérité, ne manquaient pas en Prusse ; mais il y avait à concilier les intérêts contradictoires de l’armée, du trésor et des éleveurs, ce qui présentait de grandes difficultés.

L’armée exigeait la livraison de bons chevaux, sains, nets, sans tares, pouvant être mis immédiatement en service, ou tout au moins en dressage, par conséquent des chevaux de cinq ans.

D’autre part, il était impossible aux éleveurs de garder leurs chevaux jusqu’à cet âge sans leur faire gagner leur nourriture en les attelant, soit pour les travaux agricoles, soit pour le trait léger ; d’où, inévitablement, résultaient des tares, des défectuosités d’allures, moins d’aptitude pour la selle et une dépréciation générale ; car, si le cheval restait chez l’éleveur, entouré de soins et abondamment nourri de grains jusqu’à cinq ans, en vue de la vente, c’était alors un cheval de luxe, destiné au commerce et d’un prix inabordable pour l’armée. Il fallait donc que l’éleveur trouvât de son cheval un prix rémunérateur vers l’âge de trois ans ; l’armée, de son côté, avait intérêt à acheter, à des prix modérés, des chevaux de cet âge, bien conformés, exempts de tares, et à les soumettre à un régime approprié, uniforme, de demi-liberté, permets tant au jeune animal de prendre tout son développement, grâce à un régime substantiel et à de bonnes conditions d’hygiène, sans danger d’usure prématurée.

Quant à envoyer directement dans les régimens des chevaux de trois ans pris chez l’éleveur, il ne pouvait en être question. C’eût été encombrer les corps d’animaux incapables de faire aucun service, au grand préjudice du trésor, de la valeur absolue des