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alors qu’en Prusse, aujourd’hui, tous les hommes compétens se plaisent à attribuer la situation florissante de la production chevaline à la direction intelligente et pratique qui lui a été imprimée depuis que l’élément militaire[1] a la haute main sur tout son ensemble, il est assez curieux de constater, en Bavière, l’expression d’opinions tout opposées : « Toutes les institutions hippiques de la Bavière, dit un ouvrage récemment publié[2], ont été florissantes et fructueuses jusqu’en 1864, tant qu’elles ont été réunies sous une direction unique, celle du grand-écuyer de la cour. Depuis que l’administration militaire en est chargée, la confiance antérieure de la population a reçu un coup funeste… » Sans vouloir tirer de ce fait des conclusions relatives à la plus ou moins grande diffusion de l’esprit militaire dans les populations respectives du nord et du sud de l’Allemagne, il nous est permis, pour expliquer ces divergences, d’insister sur un point bien caractéristique des procédés administratifs du gouvernement prussien. En Prusse, aucune modification n’est apportée à l’état de choses existant qui n’ait été profondément élaborée, étudiée, mûrie. Si grand que soit l’engouement général pour une tentative quelconque, jamais une expérience n’est faite à la hâte. En revanche, si quelque innovation ne semble pas donner, dès l’abord, tout ce qu’on était en droit d’en attendre, l’autorité ne se laisse jamais émouvoir par les réclamations des intéressés, pas plus que par les critiques de la presse, du public ou du parlement. Mais, quand le gouvernement prussien a acquis la conviction que tel ou tel progrès est désirable, il attend son heure pour passer du projet à l’exécution. Dès que celle-ci a commencé, rien ne saurait arrêter ceux qui sont chargés de modifier l’ordre de choses existant. L’application des nouvelles mesures sera poursuivie progressivement, sans à-coups, et avec une persévérance inébranlable, jusqu’à ce que le but soit atteint. Il est admis en Prusse que le progrès est œuvre de longue haleine, que le présent doit être subordonné à l’avenir, et que la consécration du temps est indispensable pour que les résultats soient acquis, pour que les intéressés

  1. L’administration des haras, en Prusse, est placée, depuis 1848, dans les attributions du ministère de l’agriculture : à sa tête se trouve un haut fonction nuire qui porte le titre d’écuyer en chef (Oberlandstalmeister) ; le personnel des haras est civil, mais presque tous les employés supérieurs ont appartenu à l’armée, et la commission pour le développement de l’élevage, analogue au conseil supérieur des haras de France, comprend des membres militaires : le général inspecteur des remontes, un colonel, un major et un capitaine de cavalerie. Il suffit d’ailleurs de connaître les traditions du gouvernement prussien pour savoir que toutes les administrations travaillent en faveur des intérêts militaires.
  2. Müller et Schwarznecker : Die Pferdezucht nach ihrem rationellen Standpunct, 1884.