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demi ; ils y restent une ou deux années, selon leur état général de croissance et de développement. Le but poursuivi, c’est d’acclimater les jeunes animaux en les soumettant à un régime uniforme et approprié, de les laisser se mouvoir en liberté pour favoriser leur développement. Ils ont pour abri des écuries ou, pour mieux dire, de simples étables construites aussi économiquement que possible, soit de briques, de pierre, de torchis ou de bois. Chacune d’elles reçoit de quinze à vingt chevaux qui restent en liberté, car elles sont dépourvues de tout moyen d’attache. Les animaux sont déferrés en tout temps. Toute écurie ouvre sur un parcours limité par des barrières rustiques. Le sol de ces enclos n’est ni durci ni défoncé ; c’est le terrain naturel, mais uni. Chaque parcours possède un abreuvoir fait de troncs d’arbres grossièrement creusés. Il n’y a d’autre précaution contre le froid que la fermeture des portes : la chaleur naturelle des chevaux suffit à maintenir en hiver, dans les écuries, une température assez élevée.

Dans chaque dépôt, une écurie est distribuée en boxes pour les malades ; une autre est destinée aux convalescens. Ce qui frappe le plus le visiteur, c’est la grande douceur des chevaux et leur tendance à s’approcher de l’homme ; dès qu’on entre dans une écurie, tous avancent vers les arrivans. Si ces derniers séjournent, ils les suivent. Aussi les palefreniers n’ont-ils jamais rien à la main pour écarter les animaux dont ils ont la surveillance.

Les jeunes chevaux, dans les dépôts allemands, ne subissent ni dressage ni entraînement d’aucune sorte. On considère que le grand air, la nourriture et le repos suffisent à les préparer au service régimentaire, où ils sont d’ailleurs ménagés avec les plus grands soins pendant le cours de leur dressage, qui dure deux ans. C’est à ces précautions du début que les Allemands attribuent la prolongation extraordinaire du service de leurs montures, qui, après avoir servi plus de dix ans, en moyenne, dans la cavalerie, peuvent encore remonter les trains, la gendarmerie, etc.

Jadis les chevaux, dans les dépôts de remonte, étaient laissés en liberté sur de grands espaces ; la fréquence des accidens, occasionnés par des paniques ou toute autre cause de galopades immodérées, a fait restreindre peu à peu les dimensions des parcours. Le système actuel de groupement des chevaux paraît avoir une excellente influence sur leur caractère, car leur douceur est proverbiale, et la cavalerie prussienne, quand elle sort de ses garnisons pour cantonner ou bivouaquer, ne voit presque jamais diminuer le nombre de ses chevaux par suite de coups de pied, alors que nos régimens ont en pareil cas 10 pour 100 d’indisponibles pour cette cause.