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La nécessité d’une action commune de la part des haras et des remontes avait cependant frappé beaucoup de bons esprits, même en dehors de l’armée. Dès 1840, le comte d’Aure[1] écrivait : « L’action des moyens que possède le ministre de la guerre donnerait à l’industrie chevaline une impulsion d’une immense portée, si elle était dirigée avec persévérance vers ce but. Malheureusement, là comme ailleurs, on n’admet dans la pratique que le système stérile des tâtonnemens… Mieux vaudrait un plan médiocre, mais arrêté, confié à des hommes spéciaux capables… »

A la même époque, le général Oudinot demandait la réunion des haras à l’administration de la guerre.

Un inspecteur-général des haras, le comte de Bonneval, avait posé la question en termes précis avant 1830[2] :

« En intervenant dans les actes de la production chevaline, le gouvernement a rempli un double devoir : envers lui-même, car il a mission d’assurer l’indépendance du pays ; envers une industrie dont il doit favoriser le développement, sous peine d’affaiblissement de la nation…

« Toute production en grand se double d’une question de débouché ; toute demande sollicite une offre. Plus active est la demande, plus abondante devient l’offre. Le débouché naturel de la majeure partie des produits dont l’administration des haras procure le facteur indispensable à l’industrie particulière, c’est incontestablement la remonte des troupes à cheval, service permanent et régulier dont les besoins ne sauraient être ni négligés ni ajournés sans péril. Tout ici doit avoir une certitude absolue, les troupes montées ou attelées doivent être certaines de pouvoir renouveler leur effectif, et l’élevage doit être certain du placement annuel d’un nombre déterminé de ses produits.

« Quand les conditions sont aussi nettement établies entre intéressés, tout doit se régler au mieux des intérêts des parties en présence. Quoi de plus simple ? L’armée en temps de paix a besoin de tant de chevaux pour chaque arme ; elle en signifie la demande au producteur, elle en détermine la sorte ou le type, et précise mieux encore en disant où elle compte trouver plus particulièrement ce qu’elle désire ; ici le cheval de cavalerie légère, là le cheval de cavalerie de ligne, plus loin le cheval de grosse cavalerie, etc. Voilà l’offre avertie ; c’est à elle de se mettre maintenant en

  1. De l’industrie chevaline en France, p. 144. Le décret impérial du 4 juillet 1806 ordonne que les fonctionnaires des haras seront choisis « parmi les militaires retirés qui, ayant servi dans les troupes à cheval, se trouveront avoir les connaissances requises. »
  2. Les Haras français, p. 273.