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préjugés répandus à son sujet parmi ceux qui n’ont jamais abordé ce noble animal !

On lui reprochait d’être irritable et peu maniable ; cependant, dès 1837, le comte d’Aure écrivait : « Les qualités que donne le sang nous viennent en aide pour simplifier l’équitation, puisque la nature donne au cheval de race un liant, une souplesse, et surtout une énergie que les anciens écuyers ne trouvaient pas toujours dans leurs chevaux, mais dont ils reconnaissaient tellement les avantages qu’ils s’efforçaient de les provoquer dans le travail auquel ils les soumettaient. » Et le célèbre écuyer ne connaissait qu’une cause de restrictions dans l’emploi généralisé du pur sang : l’état de la viabilité en France ; il nous manquait, disait-il, les bonnes routes de l’Angleterre pour diminuer le tirage. Nous avons fait « du chemin » depuis cette époque ! Quant aux hommes de cheval, s’il en existe, qui douteraient encore de la souplesse du cheval de pur sang, nous les engageons à assister à la reprise des écuyers du manège de Saumur ; ils y verront manier en haute école des animaux inscrits au stud book et qui la veille ont gagné un steeple-chase.

Ces animaux, diront certains de leurs détracteurs, ne sont pas rustiques, ont besoin de soins minutieux, etc. Mais tous les officiers qui font chaque année des grandes manœuvres sur des chevaux de pur sang peuvent répondre ; il en est qui ont supporté sans dommage les fatigues de colonnes très dures et des jeûnes prolongés, en Algérie et en Tunisie. William Day, le seul entraîneur qui ait jamais écrit, cite l’exemple de chevaux qui gagnèrent le Derby et le Saint-Léger « avec un poil long et grossier comme celui d’un blaireau » pour avoir été élevés au grand air.

Selon d’autres, le cheval de pur sang est incapable de « porter du poids ; » à cette affirmation, bien souvent répétée, le baron d’Étreillis répondait : « Il est aussi faux de prétendre qu’un cheval de course ne peut porter le poids le plus lourd qu’un cheval quelconque puisse supporter en marchant à une allure ordinaire, parce qu’il parcourt une distance relativement courte sous un poids léger, que de chercher à établir qu’il lui est impossible de faire une longue route doucement, parce qu’il accomplit rapidement un trajet très court. »

D’ailleurs, nous plaidons ici une cause déjà gagnée, et la discussion de la loi du 29 mai 1874 sur les haras, à la tribune de l’assemblée nationale, a prouvé que l’opinion était faite. Tous les orateurs ont été unanimes à proclamer la nécessité de généraliser l’emploi de l’étalon de pur sang à dessein de favoriser la production du cheval d’armes, d’obtenir une bonne remonte de notre