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domination des mamelouks, il n’y avait de cultivé que le blé, le riz, le maïs, l’orge, les pois, l’indigo, la canne à sucre, les oignons, les lentilles, les fèves, le colza, le tabac, les rosiers et les dattiers. Lorsque Bonaparte y débarqua, la culture du riz était en quelque sorte monopolisée par les multezims, sorte de fermiers-généraux qui avaient l’usufruit des rizières contre certains droits à payer. Le jeune général, qui à tout prenait intérêt, rendit au sujet de ce monopole un décret peu connu et que voici :

Fait au Caire d’Égypte, le 13 pluviôse an VII de la République

BONAPARTE, GÉNÉRAL EN CHEF.

Liberté. Égalité.

« Article 1er. — Les négocians en riz et les autres négocians qui sont dans les provinces de Rosette et de Damiette, et qui prêtent les fonds nécessaires à la culture du riz, devront continuer à faire les prêts selon la coutume.

« Art. 2. — Chacun des susdits négocians est tenu, — par concession, — à cultiver le riz de la république française.

« Art. 3. — Ils toucheront les revenus des terres, ou biens et domaines de l’état, — oussieh, — sous déduction de : 1° ce qui revient au cultivateur en guise de salaire ; 2° des recettes provenant des droits dus par les multezims à la république française.

« Art. A. — Les prêts fournis par les négocians sur d’anciennes concessions et sur celles des particuliers seront remboursés de la manière et dans les délais habituels. Ces négocians prendront l’intérêt d’usage.

« Art. 5. — En compensation des bénéfices résultant de la culture du riz dont ils profiteront, ainsi qu’il est relaté dans les articles 2 et 3 ci-dessus, les négocians en riz seront tenus de payer au trésor de la république une somme équivalente au montant habituel des recettes de l’impôt ordinaire, des taxes supplémentaires et de toutes les autres contributions.

« BONAPARTE.

« Aux mains du ministre Poussielgue, administrateur-général des finances, actuellement au Caire. »

Remarquons en passant avec quelle merveilleuse intuition Bonaparte avait deviné que c’était en Égypte qu’il fallait frapper l’Angleterre, et où en serait sa puissance aux Indes et dans la Méditerranée si la France s’y était maintenue ?