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reçoit de 300,000 à 350,000 mètres cubes d’eau par vingt-quatre heures. Une certaine quantité de cette eau est prise en route par les riverains sur une longueur de 160 kilomètres environ ; or, quand le canal débouche au Fayoum, son débit est de 1 million de mètres cubes. D’où vient cet excédent ? De l’infiltration des eaux plus élevées qui arrosent les terres parallèles. Aussi l’eau de Fayoum est saumâtre en été, et si les terres de cette riche province n’étaient pas lavées chaque année pendant l’inondation avec l’eau dépourvue de sel qui s’écoule du lac de Quéroum et dont le niveau est au-dessous de celui de la mer, ces terres auraient déjà subi le sort de celle du Wady de Tell-el Kébir. Avant le creusement complet de l’Ibrahimieh, le Fayoum produisait des cannes à sucre d’une telle dimension et en telle quantité par surface cultivée, que l’ex-khédive, Ismaïl-Pacha, avait décidé d’y construire un grand nombre d’usines à sucre. Deux de ces raffineries seulement ont été terminées, mais elles sont restées sans utilité depuis que l’eau d’arrosage est devenue saumâtre pendant l’été. La canne à sucre ne peut plus être cultivée en grand dans la belle oasis du Fayoum.

En résumé, les travaux que les Anglais exécutent en ce moment à grand renfort de millions pour faciliter l’arrosage des terres seront nuisibles s’ils ne sont pas complétés par un système de canaux de drainage ou d’écoulement des eaux souterraines qui se montreront dans la Basse-Égypte beaucoup plus considérables et abondantes que par le passé. Ce travail d’assainissement est aussi urgent et même plus que celui du relèvement du niveau des eaux, car s’il était différé, la Basse-Égypte se trouverait dans une bien plus mauvaise situation qu’elle ne l’est actuellement. Vingt-cinq millions de francs ont été alloués pour réparer le grand barrage et creuser des canaux, une somme double est absolument nécessaire pour assainir les terres trop humides et empêcher les cristaux de sel de les recouvrir, nécessaire aussi pour créer de nouveaux barrages aux endroits que j’ai indiqués.

En Europe, et particulièrement au nord de l’Europe, on a conquis des terrains d’une grande étendue sur la mer, notamment en Hollande, en Angleterre et jusqu’en Bretagne, par le moyen de barrages appliqués à des terres que les digues abritaient des hautes marées. On est parvenu à laver ces terres du sel qui en empêchait la culture, et l’on se demande pourquoi un si bon système ne serait pas mis en usage en Égypte. N’est-ce pas pitié que le Nil, après avoir laissé 5 millions seulement de mètres cubes d’eau fertilisante dans le Delta, en porte inutilement des milliards de mètres à la mer ? C’est le moment de répéter avec tous les géographes, et