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Elisée Reclus plus particulièrement, que les terres cultivées en Égypte ne forment que la moitié de ce qui pourrait l’être encore. Quarante millions d’hommes vivent à peine dans toute l’étendue du bassin du Nil ; combien plus en pourrait-il nourrir ! S’il est exact, comme on l’assure, que les produits du sol dépassent une valeur de 15 millions de livres égyptiennes, ou quelque chose comme 384 millions de francs, c’est le double de cette somme que l’Égypte pourrait récolter.

Au sujet des terres conquises sur la mer en Europe, il faut reconnaître que, si l’eau douce avec laquelle on les lave ne se vaporise pas avec une grande rapidité comme en Égypte, c’est parce que le soleil y est presque continuellement voilé par la brume et qu’il n’a qu’une faible action d’évaporation. En Égypte, les jours couverts et humides sont l’exception ; c’est l’action de son soleil torride sur la terre qui rend cette terre terriblement salée. La compagnie agricole française de Cour-el-Agdor en a fait l’expérience malgré la grandeur des sacrifices qu’elle s’est imposés ; la compagnie anglaise pour l’exploitation agricole du lac d’Aboukir, qui a déjà commencé ses travaux, aura le même sort.

Les terres fertiles en Égypte sont les terres hautes ; les autres ne peuvent rien produire, parce que le sel dont elles sont imprégnées n’en peut être enlevé par l’insuffisance actuelle du drainage.


L’ARMEE.

En 1820, Méhémet-Ali, auquel il faut toujours revenir pour fixer la date d’un progrès, avait formé un ensemble militaire d’une grande solidité. Longtemps avant lui, les princes de l’Asie et d’Égypte avaient acheté aux Mongols partout conquérans, des Turcomans, jeunes esclaves à la physionomie intelligente, agréable, beaux de formes, et dont ils s’étaient hâtés de faire des prétoriens. Ces hommes, qu’on appela des mameloucks, conquirent à leur tour si bien leurs maîtres qu’ils leur fournirent deux dynasties de souverains.

Lorsque Sélim Ier eut subjugué l’Égypte, en 1517, il en forma un pachalik dépendant de Constantinople ; puis, organisant les prétoriens en un seul corps, il en fit un contrepoids au pouvoir des pachas d’Égypte, dans le cas où ceux-ci auraient la fantaisie très probable de se rendre indépendans.

Après la dispersion des mamelucks par Bonaparte, la Turquie les réunit de nouveau en Égypte, mais ils frondèrent à un tel