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plaidoiries en français qui sont les plus fréquentes et les mieux écoutées.


XVI. — L’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Le ministère auquel le khédive accorde particulièrement sa haute attention est celui de l’instruction publique ; il faut lui en savoir gré, car le ministre des finances se montre avare à l’égard de son collègue à l’instruction. Ce n’est pas sans une raison. Les écoles techniques ou l’école de médecine, de droit, polytechnique, d’égyptologie, d’arpentage, d’arts et métiers, de comptabilité, etc., ayant été longtemps sous la direction de professeurs français, on espère éloigner ceux qui résistent bravement à l’invasion anglaise en ne les payant plus qu’avec parcimonie. Heureusement il s’en maintient encore assez pour que l’enseignement français soit l’enseignement dominant. Notre langage employé pour instruire et éclairer la portion la plus jeune et la plus intelligente de la société égyptienne est un précieux avantage qu’il nous faut conserver autant que possible. Il nous empêchera de regretter qu’aux portes des hôtels les drogmans de la classe des guides et les petits âniers ne s’expriment qu’en anglais et dans le langage spécial des offres de service qu’on ne fait qu’à voix basse.

L’ignorance est grande chez le peuple égyptien, mais qui voudrait lui en faire un crime? Le fellah, l’indigène pur, sans cesse préoccupé de faire rendre à la terre tout ce qu’elle peut produire, menacé de crues violentes, de sécheresse prolongée, d’impôts à payer, — quel que soit le résultat final de ses travaux agricoles, — n’a guère le loisir de s’instruire, pas plus qu’il n’a celui de faire instruire ses enfans. Il y aurait cruauté à l’obliger à envoyer sa jeune famille sur les bancs, lorsque la crue du Nil se présente menaçante ou que le soleil brûle les récoltes. Toutefois, les écoles primaires sont assez nombreuses dans tout l’intérieur, et au dernier recensement, celui de 1878, leur nombre s’élevait à 5,370. Il est probable que, depuis dix ans, ce chiffre a dû s’accroître. La population, cette année-là, étant de 5,510,283 individus, il en résulte qu’il n’y avait qu’une école pour 1,028 indigènes. Le nombre des élèves était de 137,553. C’est en moyenne 25 élèves par école et un élève par 40 habitans. Si, avec Durbey, l’on estime à 334,000 le nombre des enfans mâles en âge de fréquenter les classes, on trouve que ‘& pour 100 reçoivent quelques principes d’instruction élémentaire et que 59 pour 100 en sont privés. Ce n’est pas très brillant.

Dans l’audience que le khédive daigna m’accorder, il fut longuement