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donc modifié ? Je suis presque porté à le supposer en me souvenant de l’onglée dont je souffris par une belle matinée de mars sur le pont d’une dahabieh.

M. Yacoub Artim, qui s’intéresse infiniment aux choses du passé, et chez lequel j’ai vu une très curieuse collection d’armoiries sarrasines remontant aux croisades, m’avait conseillé de ne pas quitter le Caire sans aller visiter la mosquée d’El-Hakam, destinée à recevoir, comme le musée de Cluny, les reliques de l’art sarrasin. La mosquée est une relique plus en ruine que les objets anciens qu’elle abrite, très en rapport avec sa destination, et justifiant bien la présence des corbeaux qui, par milliers, ont élu domicile dans ses murailles lézardées et qui troublent l’air de leurs croassemens sinistres.

Après le musée de Boulaq, qu’une crue du Nil menace d’emporter si elle est un jour par trop impétueuse, c’est la mosquée d’El-Hakam qui intéressera le plus les voyageurs et les antiquaires ; ils y trouveront des merveilles en boiseries, faïences, ferrures aux délicates arabesques, armes des meilleurs temps de Saladin, et des lampes de mosquée en vieux cuivre aussi finement travaillées que de la dentelle.

Jusqu’à présent, les Anglais n’ont pas trop contrecarré les études auxquelles se livrent les égyptologues français avec la foi et l’ardeur qui les caractérisent. D’illustres sa vans ont ouvert la voie à nos compatriotes, et ils la suivent, soutenus par l’espoir de nouvelles découvertes, luttant contre le vandalisme des uns, l’indifférence des autres, acceptant l’interdiction des fouilles en dehors de certaines limites, lorsqu’il est avéré que la population indigène de la Haute-Égypte pille effrontément les nécropoles. En dehors de diverses missions individuelles et temporaires, il y eut, l’été dernier en Égypte, quatre services à l’œuvre : la direction égyptienne de Boulaq, la mission permanente de France, l’Exploration fund, et la Société de la nécropole de Hawara dans l’oasis du Fayoum.

M. Grébaut, successeur de M. Maspero, avec une activité que le climat ne peut modérer, a fait pratiquer des fouilles presque simultanément à Thèbes, à la pyramide de Khéops et sur divers points des environs de Gizeh, Sur la rive droite du Nil, à Thèbes, ou plutôt à Louqsor, à quelques pas de l’hôtel où descendent les touristes, les travaux sont en pleine activité, et c’est un spectacle plein d’attrait que celui de voir les fellahs et les fellahines de ce site pittoresque enlevant à la main et transportant dans des couffes de paille la couche de terre noire, mais poudreuse comme de la pouzzolane, qui recouvre la grande cité des Ramessides. Il en est de même à Memphis. Et, de cette poussière entassée par les siècles,