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stalwarts, l’avaient crié sur les toits avant la réunion de la convention. Ils tenaient M. Blaine pour un politicien taré, d’autant plus dangereux qu’il avait porté au plus haut degré l’art de la corruption politique. Choisir un tel homme, c’était, disaient les dissidens, condamner le parti républicain au discrédit, dissiper un glorieux passé de vingt-cinq ans, étaler aux yeux du monde le mal organique dont le parti était frappé dans ses œuvres vives. Ils exagéraient bien un peu ; mais ils n’hésitèrent pas à braver toutes les prédictions sinistres propagées au sujet de l’accession éventuelle des démocrates au pouvoir. Convaincus que le seul moyen de réformer leur parti était de le rejeter dans l’opposition, ils réalisèrent la menace qu’ils avaient faite inutilement pour empêcher le choix de M. Blaine ; leur défection Ct entrer les démocrates et leur chef Cleveland à la Maison-Blanche.

On allait donc faire la terrible expérience, voir si réellement cinq millions d’électeurs étaient prêts à ruiner le pays, pour peu qu’on leur en offrît l’occasion. L’épreuve a fait justice de l’épouvantail commode dont avaient tant usé les républicains. Il n’est plus possible aujourd’hui de parler de reconnaissance de la dette confédérée, de suppression des amendemens constitutionnels, de rétablissement de l’esclavage ; plus possible d’agiter devant les électeurs la bloody shirt (chemise sanglante), d’évoquer le souvenir des quatre années terribles. Jamais les États-Unis n’ont été si calmes, au point de vue des questions purement politiques, sinon des questions sociales. Jamais leurs finances n’ont été aussi prospères, leur crédit aussi solidement établi, leur dette publique aussi rapidement remboursée. Aucune tentative n’a été faite pour indemniser dans une mesure quelconque les anciens états rebelles, aucune pour enlever aux nègres la possession ou l’usage de leurs droits civils et politiques. Blancs et noire vivent en bon accord dans les états du Sud, où les plantations, sous le régime du travail libre, ont recouvré et dépassé leur ancienne prospérité, en même temps que l’industrie y prend chaque jour un développement plus remarquable[1]. Des lois centralisatrices, comme l’Interstate Commerce Act (premier essai de

  1. Quelques chiffres empruntés à de récentes données statistiques permettent de mesurer l’importance du développement industriel dans les états du Sud depuis le dernier recensement. Dans l’espace de huit années, soit depuis 1880 jusqu’au 1er octobre 1888, le nombre des manufactures de coton s’est élevé de 179 à 300, et la valeur de leurs produits de 21 millions de dollars à 43 millions ; — La production des mines de charbon, de 6 à 16 millions de tonnes ; celle des fonderies de fer, de 397,000 à 929 millions de tonnes ; la production cotonnière, de 5,755,000 balles à 6,800,000 ; des céréales, de 431 millions de bushels (36 litres) à 625 millions ; — La valeur du bétail, de 391 millions de dollars à 573 millions ; celle des produits de fermes, de 571 millions de dollars à 744 millions ; — Le nombre des milles de chemins de fer (1 mille = 1 kil. 606 m) a été porté de 19,435 à 36,737.