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une large proportion. La glycérine fait défaut, tout comme dans le cas du village pur et simple. L’acidité devient tellement minime qu’elle finirait par disparaître presque complètement, si le chimiste défalquait de la dose d’acide que lui indiquent ses réactifs la fraction qui est imputable au gypse dont on a saupoudré la vendange.

Une pareille mixture ne mérite plus le nom de vin et ne saurait être recommandée au lieu et place de la boisson tonique et fortifiante que produisent les coteaux français. Les falsificateurs ont voulu cependant « parer » cette ignoble décoction de façon à ce que l’infortuné consommateur l’achetât sans trop de difficulté : ne pouvant guère ni en améliorer le goût, ni remédier à une insalubrité des inconvéniens de laquelle ils ne se soucient guère, ils se sont du moins efforcés de rendre leurs produits agréables à l’œil et de flatter le sens de la vue, à défaut de celui du goût. En même temps, vexés de voir toujours leurs manipulations découvertes par les chimistes chargés d’examiner les denrées suspectes, ils ont voulu jouer au plus fin, en s’efforçant de corriger les défauts sur lesquels se fondaient les experts. Ont-ils réussi dans leur entreprise? Après avoir répondu brièvement à cette question, nous terminerons notre travail par l’exposé des sophistications les plus coupables et les plus dangereuses : celles qui ont pour résultat d’introduire dans le vin des substances étrangères à sa constitution.


IV.

C’est du nom de Scheele, le pharmacien suédois inventeur de la glycérine, que dérive l’expression de « scheelisage, » employée aujourd’hui pour désigner l’addition frauduleuse de glycérine au vin. Un liquide mouillé ou viné sera « scheelisé » dans l’espoir de dérouter l’expert en lui faisant retrouver un extrait sec considérable, dans lequel figurera presque toute la glycérine introduite. Précisément, le dosage exact de la glycérine est chose difficile et compliquée. Un novice sera peut-être embarrassé ; un savant plus exercé passera outre, isolera la glycérine, en comparera le poids à celui de l’alcool, et constatera aisément la tromperie en vertu d’un principe très généralement vérifié: le fraudeur a une tendance à forcer la dose et à trop « scheeliser, » d’autant plus que la glycérine ne coûte presque rien et ne communique pas de mauvais goût au vin. En revanche, un excès de cette matière n’est pas, à la longue, sans inconvénient pour la santé des buveurs.

Au moins la glucose et la dextrine, qui servent au même usage que la glycérine, n’ont rien de malsain. La glucose existe à l’état