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des observations au conseil privé du souverain ; ce n’est qu’après ces observations et la décision du conseil privé que la loi est enregistrée par les états locaux. Mais la plupart des lois des îles sont celles que leur donnent leurs états.

Dans chaque bailliage, le souverain est représenté par un lieu- tenant-gouverneur commandant en chef les forces militaires ; mais l’autorité civile appartient à un bailli (à Guernesey on écrit bailli/V) également nommé par la reine.

Les deux bailliages, absolument indépendans l’un de l’autre, ont des institutions un peu différentes. Nous allons décrire celles de Jersey.

À Jersey, le corps législatif est représenté par l’assemblée des états, formée de 51 membres, les uns inamovibles et siégeant ex officio, les autres élus. Ce sont : le bailli, président ; 12 jurés-justiciers élus à vie par les douze paroisses de l’île ; les 12 recteurs ou ministres anglicans des mêmes paroisses (nommés par la couronne) ; les 12 connétables ou maires des paroisses, élus pour trois ans, et 14 députés également élus (la paroisse de Saint-Hélier, capitale de l’île, en élit 3). Le lieutenant-gouverneur et les fonctionnaires qui représentent la couronne (c’est-à-dire le procureur-général, l’avocat-général et le vicomte)[1] ont droit de parler dans cette assemblée, mais n’ont pas de vote. Ce n’est que depuis 1856 que 14 députés des paroisses font partie des états de Jersey. Dans leur forme actuelle et avec cette adjonction, ces états ont à peu près perdu leur caractère aristocratique ; mais la présence du clergé anglican ex officio quoique ses ouailles soient peut-être la minorité de la population, montre l’importance sociale et politique que la religion a conservée dans tout pays anglais. Les lois qui émanent des états sont valables pour trois ans et deviennent perpétuelles par la sanction du conseil privé du souverain. Le lieutenant-gouverneur a un droit de veto sur la décision des états, mais il n’en use guère que dans les cas où la prérogative royale lui paraît lésée.

La cour royale est la plus haute autorité judiciaire[2] ; elle est composée du bailli et de « 12 jurés-justiciers, » assistés du procureur-général, de l’avocat-général et du vicomte. Les jurés-justiciers sont des juges élus à vie et non rétribués. C’est une organisation bien contraire à nos idées françaises, que des juges doivent leurs fonctions non à des études juridiques, mais à l’élection de leurs concitoyens. En Angleterre, l’institution des juges, choisis seulement

  1. Le vicomte est l’exécuteur des arrêtés de la cour royale et ses fonctions correspondent à peu près à celles du high sheriff d’Angleterre.
  2. On en trouvera l’histoire, comme celle des autres cours royales de l’archipel, dans l’érudit ouvrage de M. Julien Havet.