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presque rien au contribuable, très peu aux parens. En beaucoup d’endroits, des congrégations, entretenues par leurs propres biens, fournissaient les maîtres ou maîtresses. Frères de la Doctrine Chrétienne, Frères de Saint-Antoine, Ursulines, Visitandines, Filles de la Charité, Sœurs de Saint-Charles, Sœurs de la Providence, Sœurs de la Sagesse, Sœurs de Notre-Dame de la Croix, Vatelottes, Miramiones, Manettes du Tiers Ordre, et d’autres encore. Ailleurs, le curé était tenu, par le statut de sa cure, d’enseigner lui-même ou de faire enseigner par son vicaire. Un très grand nombre de fabriques ou de communes avaient reçu des legs pour l’entretien de leur école; souvent, l’instituteur jouissait, par fondation, d’une métairie ou d’une pièce de terre; ordinairement, il était logé ; de plus, s’il était laïque, il était exempt des plus lourds impôts; en qualité de sacristain, bedeau, chantre, sonneur de cloches, il avait quelques petits profits; enfin, chaque enfant lui payait 4 ou 5 sous par mois ; parfois, notamment dans les pays pauvres, il n’enseignait que depuis la Toussaint jusqu’au printemps, et faisait, pendant l’été, un autre métier. Bref, son salaire et son bien-être étaient à peu près ceux d’un vicaire rural, d’un curé à portion congrue.

De la même façon, et mieux encore, l’initiative locale et privée avait pourvu à l’enseignement secondaire. Plus de 108 établissemens le donnaient au complet, et plus de 454 le donnaient en partie[1]. Eux aussi, et non moins largement que les petites écoles, ils étaient défrayés par des fondations, quelques-unes très amples et même magnifiques : tel collège de province. Rodez[2], possédait 27,000 livres de rente, tel collège de Paris, Louis-le-Grand,

  1. Albert Duruy, ibid., p. 25. (D’après le rapport de M. Villemain sur l’enseignement secondaire en 1843.) — Abbé Allain, la Question d’enseignement en 1789, p. 88. — A. Silvy, les Collèges en France avant la révolution, p. 5. Il résulte des recherches de M. Silvy que le chiffre des collèges donné par M. Villemain est beaucoup trop faible : « On ne peut évaluer à moins de 900 environ le chiffre des écoles secondaires sous l’ancien régime,.. J’en ai déjà constaté 800,.. je dois ajouter que mon enquête n’est point encore terminée, et que je trouve chaque jour de nouveaux établissemens. »
  2. Lunet, Histoire du collège de Rodez, p. 110. — Edmond, Histoire du collège de Louis-le-Grand, p. 238. — Statistiques des préfets, Moselle. (Analyse par Ferrière, an XII.) Avant 1789, 4 collèges à Metz, très complets, tenus par des chanoines réguliers, par des bénédictins, avec 33 professeurs, 38 maîtres répétiteurs, 63 domestiques, 259 élèves externes et 217 internes. Tout cela a été détruit : il n’y a plus, en l’an IX, que l’École centrale, très insuffisante, avec 9 professeurs, 5 maîtres-répétiteurs, 3 domestiques et 233 élèves externes.