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prolonge, de vente en vente, un murmure indistinct et sourd, le murmure de la probité privée, qui proteste contre l’improbité publique et déclare au propriétaire nouveau que son titre est incomplet; il y manque une pièce, et capitale, l’acte d’abandon et de cession, la renonciation formelle, le désistement authentique de l’ancien propriétaire. L’Etat, premier vendeur, doit cette pièce à ses acheteurs ; qu’il se la procure et négocie à cet effet ; qu’il s’adresse à qui de droit, aux propriétaires qu’il a dépossédés, aux titulaires immémoriaux et légitimes, je veux dire aux anciens corps. Ceux-ci ont été dissous par la loi révolutionnaire et n’ont plus de représentant qui puisse signer pour eux. Pourtant, malgré la loi révolutionnaire, un de ces corps, plus vivace que les autres, subsiste avec ses représentans effectifs, sinon légaux, avec son chef attitré et incontesté. Ce chef a qualité et autorité pour engager le corps; car, par institution, il est suprême, et la conscience de tous les membres est dans sa main. Sa signature est d’un grand prix, il importe de l’obtenir, et le Premier consul conclut le concordat avec le pape.

Par ce concordat[1], le pape « déclare que, ni lui, ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu’en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus v attachés, demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayans cause. » Désormais, la possession de ces biens n’est plus un péché; du moins, elle n’est plus condamnée par l’autorité spirituelle, par cette conscience extérieure qui, dans les pays catholiques, dirige la conscience intérieure et souvent en tient lieu ; de ses propres

  1. Convention entre le pape et le gouvernement français, 15 juillet 1801. Ratifications échangées, le 10 septembre 1801, et publiées avec les articles organiques, le 8 avril 1802. — Article 13.