Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’avance progressivement vers un bat unique, lequel est Dieu. Plus particulièrement l’unité se manifeste, dans l’ordre inorganique, par l’attraction ; dans l’ordre organique, par la génération, et dans l’ordre intellectuel et moral, par la société. Cette unité a ses degrés. Dans l’univers en général, le monde marche de centre eu centre. Tous les corps tendent au centre de la terre. La terre et les autres planètes tournent autour d’un centre, le soleil, qui lui-même paraît marcher vers un centre inconnu. Dans l’ordre de la vie, les degrés de l’unité consistent dans l’enchaînement des formes, chaque être supérieur comprenant en lui les formes inférieures, et l’homme, comme un microcosme, les enveloppant tous en lui-même. Enfin, dans la société, les degrés de l’unité sont marqués par l’enveloppement des différens groupes les uns dans les autres : la famille, les cités, la race, le genre humain.

Telles sont les idées générales qui résument la cosmologie de Lamennais ; mais il revient encore ailleurs et plus amplement sur ces questions : c’est le quatrième volume de l’Esquisse, intitulé la Science, où il reprend, au point de vue de la science, les idées qu’il a exposées d’abord au point de vue philosophique. Il est à propos de rapprocher ce quatrième volume du premier, car il en est le développement naturel et conséquent.


II.

Le quatrième volume de l’Esquisse est remarquable en lui-même, quoique aujourd’hui il ait perdu une grande partie de son intérêt. C’est en effet une philosophie de la nature, et l’on sait quelles sont d’ordinaire les lacunes de ces sortes de constructions. Ces lacunes sont de deux espèces : les premières sont celles qui viennent du temps et des lacunes de la science elle-même. Toutes les philosophies de la nature se font avec les données de la science contemporaine. Cette science change ; et la philosophie bâtie sur ces données évanouies devient inintelligible. C’est ainsi que la philosophie de la nature de Schelling, après un succès éclatant, est tombée de nos jours, même en Allemagne, dans un profond discrédit. Mais, de plus, aux lacunes de la science en elle-même, il faut ajouter les lacunes de la science du philosophe, qui ne sait jamais qu’une très petite partie de la science de son temps, et qui bâtit son système sur des données incomplètes. L’ouvrage de Lamennais présente ces deux espèces de défauts : une science surannée et une connaissance incomplète de cette science même. On devine combien une synthèse, dans ces conditions, doit laissera désirer. Néanmoins, si l’on songe au milieu dans lequel Lamennais avait passé la moitié de sa vie, à