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le prouvent les monstruosités ; mais il ne se crée pas d’espèces nouvelles. Un monstre est toujours renfermé dans les limites de sa classe. 7° Si l’on n’admet pas l’hypothèse de la diversité essentielle des types, le monde matériel ne serait jamais que l’assemblage à jamais identique de molécules similaires. Il en est de même de l’animalité.

Lamennais conclut cette solide discussion par l’appréciation des doctrines de Geoffroy Saint-Hilaire : « Préoccupé de l’unité, dit-il, et comme absorbé dans cette grande et magnifique vue des choses, il a trop oublié que la variété n’est pas moins réelle, qu’elle est enveloppée dans l’unité même, qui sans cela, n’étant que l’identité absolue, éternelle, exclurait, hors d’un premier fait nécessaire, absolu, correspondant à la notion indéterminée de l’être rigoureusement simple, toute cause, tout effet, toute pensée et tout phénomène. « Lamennais a décrit l’idée de l’unité de composition comme une notion abstraite, « image idéale de l’unité du règne conçue isolément en soi, » mais non pas comme expression réelle des faits zoologiques. L’hypothèse d’un seul type animal conduit à une hypothèse plus générale, « selon laquelle l’univers ne serait plus qu’un seul être dont la série des êtres divers marquerait les degrés successifs de développement. » Mais de ce principe absolument simple, pris à l’origine, comment faire sortir la diversité des êtres ? car ce que l’on appelle « l’action des agens extérieurs » n’est autre chose qu’un paralogisme : n’est-ce pas alléguer la variété pour « expliquer la variété ? ». En conséquence, Lamennais se rattache à l’hypothèse de Cuvier et d’Agassiz, suivant laquelle l’unité de composition n’est que l’expression de l’unité abstraite qui domine le règne animal. Tout ce qu’il y a de vrai dans cette théorie, disait Cuvier, « c’est que tous les animaux sont des animaux. » On voit comment Lamennais entend l’idée d’évolution. D’une part, ce n’est pas une simple évolution matérielle ; d’autre part, ce n’est pas le sacrifice absolu de la diversité à l’unité. Le monde se développe, mais il se développe suivant un plan ; l’unité règne dans l’univers, mais elle se concilie avec la diversité des êtres.

Le second principe de la cosmologie lamennaisienne est le principe trinitaire. Après avoir établi a priori qu’il y a trois principes métaphysiques, il conclut qu’il doit y avoir dans la nature trois agens physiques représentant ces principes. Or la science nous apprend l’existence de trois fluides fondamentaux : le fluide lumineux, le fluide calorique et le fluide électrique, le galvanique et le magnétique se ramenant au fluide électrique. Ces trois fluides ne sont pas trois substances : ce sont les trois propriétés de la substance. Cette substance en soi à son plus