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différentes qui seraient nécessaires pour lui donner la sécurité et le bien-être : 1° une assurance ayant pour objet une rente destinée à secourir et à élever ses enfans dans le cas où il mourrait prématurément (c’est la garantie du renouvellement de la classe ouvrière) ; 2° une assurance de rente viagère pour ses vieux jours ; 3° une assurance destinée à lui procurer des funérailles décentes ; 4° une assurance pour le cas d’infirmités ; 5° une assurance pour le cas de maladie ; 6° une assurance pour le cas de chômage par suite de manque de travail. Encore doit-on dire que l’écrivain allemand s’est borné à l’examen des risques qui frappent la personne. Mais l’ouvrier aurait besoin, en outre, de diverses assurances contre les risques qui menacent les biens ; car il ne laisse pas, d’ordinaire, de posséder quelques biens, un mobilier qui peut être brûlé, parfois un champ qui peut être grêlé, une vache qui peut être atteinte de contagion. L’idée que l’on peut donner à l’homme la sécurité complète, absolue, que sa situation pécuniaire ne sera jamais changée, pourrait bien être une idée chimérique. De même qu’il y a la religion de l’assurance, c’est-à-dire une appréciation raisonnable des avantages que ce procédé comporte, des extensions et des progrès dont il est susceptible, il y a aussi une superstition ou un mysticisme ; de l’assurance qui attend de cette ingénieuse méthode ce qu’elle ne peut pas fournir.

Quelques vues rétrospectives sur les origines, le fonctionnement et la propagation des assurances ne seront pas inutiles pour déterminer le rôle de l’état en cette matière. Sous leur forme actuelle, constituant un réseau aux mailles serrées qui embrasse tout un pays, les assurances peuvent être considérées comme un phénomène de propagation récente ; mais il est d’ancienne invention. L’énorme augmentation de l’épargne dans les diverses classes des peuples civilises, la facile circulation des capitaux, l’abondance des valeurs servant aux placemens, la connaissance plus exacte de la loi des grands nombres, des statistiques plus détaillées et plus certaines, incessamment corrigées et renouvelées par une observation attentive, l’instruction plus répandue, le secours de la presse, toutes ces circonstances ont singulièrement aidé à faire connaître et à généraliser le procédé de l’assurance. Les deux formes d’assurance les plus anciennes semblent être l’assurance maritime et l’assurance contre les maladies ; l’une, née de l’instinct du commerce ; l’autre, de l’instinct philanthropique. On retrouve dans les discours de Démosthène des preuves du fonctionnement de l’assurance maritime et de quelques fraudes auxquelles elle donnait lieu. Au XIVe siècle existaient des compagnies flamandes, portugaises, italiennes pour cette branche de l’assurance. On en voit sous Charles-Quint qui paraissaient déjà fort anciennes. Le marchand