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moins complètes, sur la côte de l’Orisa, vers les abords de l’Himalaya, au sud du Guzerat et jusqu’au-delà de l’Indus, dans la vallée du fleuve de Caboul ; la série des sept édits sur piliers, à Allahabad, au confluent de la Jumna et du Gange, plus au nord à Radhia, plus à l’ouest autour de Dehli; puis des édits détachés, soit isolés comme à Sahasaram, vers la limite septentrionale du Dekkan, soit rapprochés des séries plus étendues, comme à Dhauli dans l’Orissa. On voit que ces monumens jalonnent les frontières d’un vaste empire, embrassant au moins l’Inde du nord tout entière.

En présence de textes écrits dans une langue indéterminée et avec des alphabets inconnus, c’était un beau succès de retrouver la clé de l’écriture, d’identifier l’idiome et de le remettre à sa place historique. Ce n’était pas tout, il s’agissait d’en déterminer l’auteur.

N’est-il pas étrange que la question ait pu seulement se poser, que des documens si authentiques et relativement si étendus n’aient pas, dès le premier jour, fait à cet égard la lumière?

Les inscriptions plus modernes sont pleines de généalogies, de détails hyperboliques, mais circonstanciés. Tel n’est pas le ton de notre roi. Sa préoccupation est si uniquement tendue vers son but, si détachée de sa personne, qu’il ne nous a laissé aucune indication sur ses origines ni sur sa famille. Chose qui paraîtra plus bizarre, le nom même d’Açoka que nous lui donnons n’est prononcé en aucun passage ! Le goût des titres pompeux, des noms de bon augure, est très vif chez les rois de l’Inde. Leur puissance, souvent moins solide que fastueuse, semble devoir mieux miroiter dans les facettes des épithètes laudatives. La multiplicité des noms royaux devient ainsi de bonne heure une habitude qui, en bien des cas, contribue fâcheusement à embrouiller les souvenirs qui, par une voie ou par l’autre, nous sont parvenus du passé. Dans le cas présent, c’est peut-être un excès de modestie qui a fait ce qu’a fait ailleurs un excès de prétention. Le fait est que, dans nos inscriptions, le roi se nomme du seul nom de Priyadarçin[1], « aimable à voir, bienveillant. » Inconnu à la tradition littéraire, il commença par déconcerter beaucoup Prinsep. Heureusement la date certaine des monumens, la puissance exceptionnelle de leur auteur, circonscrivaient le champ des recherches. Des chroniques religieuses compilées à Ceylan, qui embrassent l’histoire générale des premiers temps du bouddhisme, et qui constituent la source d’informations historiques la plus riche et la plus sûre que nous ait transmise la littérature de l’Inde, furent retrouvées et étudiées très opportunément au moment même où la lumière se faisait sur nos inscriptions. L’analogie des situations,

  1. Piyadasi dans le dialecte des inscriptions.