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développant une température telle que si, par imprudence, l’on touchait à cet organe, la main ressentait une brûlure pénible. Ces auteurs n’avaient évidemment jamais pratiqué de vivisections : bien que le cœur soit un des points les plus chauds de l’organisme, sa température ne dépasse guère 39 ou 40 degrés chez les mammifères. Pour J. Hunter, le célèbre chirurgien et anatomiste, ce principe mystérieux siège dans l’estomac. Barthez et ses disciples attribuèrent la chaleur animale à une cause toute différente, plus raisonnable en ce qu’elle exclut le surnaturel et le mystère, mais non moins erronée : ils la croyaient due au frottement des diverses parties solides et liquides de l’organisme. C’est Lavoisier qui a posé les bases véritables de la théorie de la calorification. Après s’être rendu un compte exact de la nature et des propriétés des élémens constituans de l’air normal, il démontra d’une façon irréfutable que l’air expiré par un animal est plus riche en acide carbonique que ne l’est l’air inspiré. Il y a eu combinaison entre l’oxygène de l’air et le carbone appartenant à l’organisme. « L’air pur, en passant par le poumon, éprouve donc une décomposition analogue à celle qui a lieu dans la combustion du charbon. Or, dans la combustion du charbon, il y a dégagement de la matière du feu; donc il doit y avoir également dégagement de la matière du feu dans le poumon. » Autrement dit, puisque le poumon dégage de l’acide carbonique, il doit s’y produire de la chaleur, de même, qu’il s’en produit lors de la combustion d’un corps quelconque; l’organisme produit de la chaleur parce qu’il brûle. Tous les travaux exécutés depuis un siècle ont démontré la justesse de cette conclusion.

D’après Lavoisier, le poumon paraît être le siège de la combustion respiratoire et de la calorification. Sur ce point, cependant, il s’exprime avec réserve, et cette réserve est pleinement justifiée. Le poumon n’est pas le siège des combustions calorigènes, son rôle est tout autre. Lagrange, peu de temps après Lavoisier, avait combattu l’hypothèse de ce dernier, et avait dit que, si le poumon était réellement le siège de ces combustions, la chaleur qui s’y produirait serait telle que cet organe devrait subir de graves lésions incompatibles avec la vie. Ceci est exagéré, car l’on a calculé la production de calorique, et même en supposant que le poumon fut le siège exclusif de cette production, la température de cet organe ne serait point encore suffisante pour le léser. Des recherches fort exactes ont montré quel est au juste le rôle du poumon dans la calorification. Cet organe qui, grâce à ses alvéoles nombreuses, représente une surface de 150 ou 200 mètres carrés (ce chiffre, bien que surprenant, est indiscutable), ne sert qu’à mettre en contact le sang et l’air. Le réseau des capillaires, séparé de l’air par une mince couche cellulaire, représente une nappe équivalant aux