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exemples ; mais il est permis de l’admettre aussi pour les conditions thermiques. Toutefois, même quand l’accommodation se produit, le milieu nouveau agit sur l’organisme auquel il impose toujours quelques modifications de structure ou de fonctions, et l’on peut dire que pour tout être vivant il existe une température plus favorable que toute autre à son développement. L’étroitesse des limites thermiques les plus favorables à la vie d’un être donné est chose parfois étonnante, surtout si l’on considère les microbes. Le bacille de la fermentation butyrique est le plus actif à 40 degrés. A 42 degrés, il se multiplie encore, mais son activité diminue : à 45 degrés, il n’opère plus de fermentation. Pour le ferment alcoolique, l’optimum est entre 25 et 30 degrés, bien qu’il résiste à 0 degré comme à 100 degrés après dessiccation. Le microbe de la maladie charbonneuse est prospère de 37 à 39 degrés : à 41 degrés, il meurt, et la démonstration la plus éloquente de ce fait a été donnée par Pasteur, qui a montré qu’une poule normale ne peut devenir charbonneuse, sa température étant de 41 ou 42 degrés. Mais si l’on refroidit artificiellement la poule en la mouillant, de façon à ce que sa température interne s’abaisse de 2 ou 3 degrés, elle devient aussitôt apte à prendre le charbon : le microbe pullule dans son sang et tue la poule, à moins que l’on ne cesse la réfrigération : dans ce cas, le retour à la température normale suffit pour dissiper tout le mal. Le ferment lactique préfère la température de 35 degrés, mais celui de la fermentation putride est moins sensible : il agit de 0° à 40 degrés, mais préfère les températures entre 15 et 35 degrés. Des exemples de ce genre pourraient être cités en grand nombre. Ce qui est plus intéressant que cette énumération, c’est l’étude des effets que l’on observe lorsqu’on soumet un microbe donné à l’action d’une température supérieure à celle qui lui convient le mieux, sans cependant lui être mortelle. Il se produit, en effet, dans sa physiologie des modifications très sensibles, et sa vitalité subit un amoindrissement marqué : elle est atténuée, et cette atténuation est la base du procédé si intéressant des vaccinations préventives dont Pasteur a donné de si retentissans et utiles exemples. Il suffit parfois d’une très médiocre élévation de température pour obtenir cette transformation d’un microbe dangereux en un auxiliaire incomparable pour l’art de guérir ou prévenir les maladies infectieuses. Par contre, on peut faire subir des variations thermiques considérables à des spores de bactéries, l’on n’opère aucune modification des bactéries qui en naîtront. Ces spores résistent admirablement à des températures extrêmes comme — 100 degrés et + 100 degrés, et les bactéries qui en proviennent n’ont rien perdu de leur virulence. Du reste, diverses bactéries peuvent être congelées, et pendant un temps fort long (plusieurs mois) sans être