Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marquée qui se traduit chez ceux-ci par un ralentissement du développement qui, en même temps qu’il est plus lent, devient moins complet. Inversement, les températures, non mortelles, mais relativement élevées eu égard aux conditions normales, favorisent la croissance et le développement qui deviennent ainsi plus rapides et plus complets. C’est ainsi que les œufs de certains crustacés, comme l’apus et le branchipus, qui se développent entre 0 degré et + 30 degrés, accomplissent leur évolution en vingt-quatre heures à 30 degrés, tandis qu’entre 16 et 20 degrés il leur faut des semaines pour arriver au même résultat. Les têtards de grenouille éclosent en dix jours à la température de 15°, 5 ; à 10°, 5, il leur faut quinze jours. Notons en passant, pour montrer une fois de plus combien sont différens les besoins des animaux, en fait de température, que la température de 36 degrés, si favorable aux branchipus est mortelle pour la plupart, si ce n’est la totalité des hôtes des mers arctiques, et même, d’après ce que j’en ai pu voir, pour nombre d’espèces de la Méditerranée, surtout pour celles qui n’habitent point le rivage et n’ont pu s’accoutumer à des températures analogues, dans les mares chauffées par le soleil de l’été.

Il existe donc pour chaque espèce une certaine température optima à laquelle le développement et la vie sont le plus aisés et le plus rapides, et les limites de cet état thermique varient considérablement selon les espèces, voire même selon les variétés. Soumis à l’influence d’une température non mortelle inférieure à celle qui lui est le plus favorable, chaque animal voit, à des degrés différens, se ralentir son développement qui souvent aussi devient moins complet. Si on l’expose à une température supérieure à celle qui lui convient le mieux, des troubles se produisent aussi, la nutrition est mauvaise, l’animal — ou le végétal, — devient languissant, atone, comme l’homme même dans les climats trop chauds.

Cette influence de la température sur la vie ne se manifeste pas seulement dans le degré et la rapidité du développement, elle s’exerce encore sur d’autres phénomènes, sur la coloration par exemple. C’est ainsi que Weissmann a établi que deux papillons, la Vanessa levana et la Vanessa prorsolevana, à tel point différens par la coloration qu’on en a fait deux espèces distinctes, représentent en réalité une seule espèce. La différence est uniquement une question de température : l’un vient de la ponte d’été, et l’autre de la ponte d’hiver; mais il est aisé d’obtenir à volonté l’une ou l’autre variété des mêmes œufs, en réchauffant ou refroidissant artificiellement ces derniers, selon le cas. Une influence plus importante est celle qu’exerce la température sur le développement sexuel. Le froid le ralentit et parfois l’entrave totalement. Un certain degré de température le favorise et l’accélère, et l’on sait de tout