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temps que l’homme même subit cette influence, la précocité sexuelle étant beaucoup plus grande dans les pays chauds. Une fille de douze ans est nubile à Cuba et dans d’autres climats chauds. Mais il ne faut pas que la température s’élève trop non plus. Un crustacé, le chirocéphale, maintenu pendant des semaines à 19 degrés, n’acquiert pas d’activité sexuelle, tandis que vers 9 ou 10 degrés, il l’acquiert en deux jours.

La température exerce donc une influence considérable sur l’organisme tout entier. Une preuve intéressante de ses effets sur le métabolisme général, sur l’intensité de la vie, s’il est permis de parler ainsi, est fournie par l’étude de l’influence exercée par ce facteur sur l’action des poisons ou médicamens. Alexandre de Humboldt, et après lui un grand nombre d’observateurs, ont remarqué que cette action est plus vive et plus rapide à une température élevée (mais non mortelle ni dangereuse en elle-même) qu’à une température plus basse. Parfois même, dans ce dernier cas, un poison sera tout à fait inactif et inoffensif, alors qu’il tuera assez rapidement si la la température monte de quelques degrés. C’est là un fait très bien connu maintenant, et dont l’on tient toujours compte dans les expériences toxicologiques. Il explique les contradictions si fréquentes entre les divers observateurs, car ceux-ci n’ont pas tous opéré dans de mêmes conditions thermiques, et la plupart ont oublié de noter ces dernières. — Autre preuve non moins intéressante de l’influence exercée par celles-ci sur le fonctionnement général de l’organisme, preuve fournie par l’étude comparée de la résistance de différens êtres à l’asphyxie. Quand la température est basse, l’asphyxie est plus lente, plus difficile. Une grenouille plongée dans de l’eau, sans pouvoir mettre la tête à l’air pour respirer, et obligée de se contenter de la respiration cutanée, résistera pendant six ou huit heures si l’eau est à degré ; si elle est à 15 ou 16 degrés, la résistance ne durera que le quart de ce temps. C’est ainsi encore, dans un autre ordre d’idées, que les plantes vénéneuses sont plus toxiques lorsqu’elles ont rencontré les conditions thermiques les plus favorables, que dans le cas où elles ont dû vivre dans un milieu plus chaud ou plus froid que celui qui leur convient ; la différence est très marquée.

Nous avons considéré jusqu’ici l’influence des variations thermométriques peu considérables, non mortelles. Il nous faut maintenant aborder l’étude des effets des températures mortelles. Tout d’abord, notons que celles-ci varient considérablement selon le espèces, et aussi selon certaines conditions, les unes intrinsèques, inhérentes aux organismes, les autres extrinsèques, et se rapportant aux conditions dans lesquelles se présentent ces extrêmes thermiques. Chacun sait, par exemple, combien est inégale la résistance