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n’a pu être accomplie qu’au moyen d’un jeu d’arithmétique assez compliqué et qui autorise des doutes sur le résultat final de l’exercice financier. Le ministre des finances avait dû inscrire au budget de 1889 45 millions de dépenses nouvelles qu’il qualifiait lui-même d’inéluctables parce qu’elles résultaient de lois antérieurement votées et surtout des engagemens imprudemment pris pour les constructions scolaires, les chemins vicinaux, et les travaux publics ; mais, d’un autre côté, ce même budget, par comparaison avec celui de 1888, devait être exonéré de dépenses qui n’étaient pas destinées à se renouveler, et qu’on pouvait évaluer à environ 20 millions. Les perspectives de déficit se trouvaient ainsi ramenées à 25 millions. Les recettes devaient s’accroître d’un certain nombre de millions par l’effet des surtaxes et des impositions nouvelles établies en 1888 sur le bétail, les viandes abattues, les huiles lourdes, etc., et surtout par l’effet de la loi qui avait retiré aux fabricans de sucre indigène une partie des avantages de la législation de 1880. En ajoutant à ces supplémens de recettes les crédits auxquels renoncèrent divers départemens ministériels, et une plus-value générale de 12 millions 1/2 qu’on attendait de l’influence de l’exposition universelle sur toutes les consommations, la commission arriva à aligner sur le papier environ 40 millions de ressources quelque peu aléatoires qui lui parurent suffisantes pour couvrir non-seulement l’écart de 20 millions entre les recettes et les dépenses, mais encore les 14 millions auxquels le ministre de la marine avait réduit ses demandes de crédits extraordinaires. C’est ainsi qu’à la suite de compensations laborieusement établies entre les accroissemens et les suppressions de dépenses, et à raison de leur modicité, ces crédits avaient pu être inscrits au budget ordinaire sans en rompre l’équilibre.

Cet équilibre du budget ordinaire de 1889 est-il une réalité ou une illusion ? Cela dépend, tout d’abord, de la valeur des économies que les ministres avaient spontanément opérées ou que la commission de la chambre leur a imposées. S’agit-il de dépenses définitivement supprimées, ou simplement ajournées dans l’attente de crédits supplémentaires ? L’expérience autorise, à cet égard, des défiances que le rapporteur-général du budget de 1888 ne cachait pas au sénat. Un autre motif d’appréhension quant au maintien de l’équilibre résulte de l’insuffisance manifeste de certaines prévisions. On peut signaler en particulier les crédits votés pour l’instruction primaire : la commission du budget n’a point dissimulé à la chambre qu’elle considérait ces crédits comme inférieurs à la dépense qu’il fallait prévoir ; quelques-uns de ses membres avaient proposé de les augmenter de 4 millions, et la commission s’est excusée de n’avoir souscrit à aucune augmentation sur l’impossibilité