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un centime. De là les retards dont nous venons de parler. Avec le régime que l’amendement visait à introduire, les ministres n’avaient plus intérêt à précipiter les retraites, puisqu’ils ne pouvaient faire jouir immédiatement leurs protégés des bénéfices que l’avancement était destiné à leur procurer. Aussi le vote de la chambre avait-il répandu la consternation dans toutes les administrations. Heureusement le sénat était là qui, sans débat et sans qu’on y prît garde, supprima l’article malencontreux. Les auteurs de l’amendement n’en demandèrent pas le rétablissement quand le budget revint devant la chambre, et la bureaucratie respira. Le crédit de prévision pour les retraites, considéré comme une invitation à la dépense, a disparu du budget de 1889, le gouvernement ayant déclaré qu’il préférait présenter une demande de crédit extraordinaire pour liquider les pensions accordées dans le cours des exercices. C’est une façon ingénieuse de se dérober complètement au contrôle du parlement, puisque l’importance de ces crédits extraordinaires n’est pas limitée, et que leur emploi est à la discrétion des ministres. Ces crédits seraient, d’ailleurs, inutiles si l’on se conformait à la règle de n’accorder les retraites qu’à mesure des vacances. C’est donc à l’observation de cette règle que le parlement devrait tenir rigoureusement la main. Peut-être y aurait-il lieu de demander à l’administration des finances, pour les retraites, un travail analogue à celui que la chancellerie de la Légion d’honneur fait pour les décorations, c’est-à-dire une répartition dont l’observation serait obligatoire pour les ministères. Si des précautions sérieuses ne sont pas prises, la marée montante des pensions ne s’arrêtera pas.

Les reproches qu’on a dirigés contre la loi du 9 juin 1853 peuvent être adressés avec plus de justice aux auteurs des conventions de 1883 pour l’exécution des chemins de fer. Ceux-ci, dans leur désir de sauver la plus grande partie du plan de M. de Freycinet, ont été loin de calculer avec une suffisante exactitude les charges qu’ils allaient imposer au pays. Prévenons d’abord une confusion quelquefois faite entre les annuités à la charge du ministère des finances et celles qui sont supportées par le ministère des travaux publics. Une loi du 3 août 1874 a régie l’exécution de tous les arrangemens intervenus antérieurement entre l’État et toutes les compagnies de chemins de fer, soit pour l’allocation de subventions, soit pour le remboursement des avances faites par quelques compagnies. Il avait été calculé que la créance totale des compagnies sur l’État serait complètement éteinte en 1961, au moyen d’une annuité qui ne dépasserait pas 31 millions jusqu’en 1949 et qui décroîtrait rapidement à partir de cette date. Ce calcul ne s’est pas trouvé tout à fait exact à cause d’erreurs