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stipulé que les lignes nouvelles seraient exploitées au compte de l’État jusqu’à ce que les recettes couvrissent les frais : c’est ce qu’on désigne ordinairement sous le nom de compte de l’exploitation partielle. Les compagnies sont autorisées à inscrire au compte de premier établissement de ces lignes les sommes qu’elles sont obligées de débourser pour leur exploitation en sus du produit des recettes : ces sommes portent intérêt, et cet intérêt est arrêté chaque année et ajouté comme capital au compte de l’exercice précédent. Le rendement du nouveau réseau étant demeuré au-dessous des prévisions les plus pessimistes et les intérêts s’accumulant sans cesse, la dette de l’État s’accroît avec une extrême rapidité. Pour l’exercice 1887, la dépense mise à la charge de l’État dans les écritures, pour les insuffisances et les intérêts, s’est élevée aux environs de 30 millions : cette charge annuelle ne peut manquer de grossir avec chaque ligne nouvelle qu’on ouvrira. Les comptes de l’exploitation partielle ne seront apurés qu’au terme de la période de construction : on établira alors le chiffre de la dette de l’État tant pour le capital des insuffisances que pour les intérêts capitalisés. Ce compte établi, les intérêts dont les compagnies font actuellement l’avance tomberont à la charge du budget qu’ils grèveront dans des proportions considérables. La dette de l’État envers les Compagnies s’accroissant beaucoup plus vite que celle des compagnies envers l’État, la liquidation définitive des conventions ne peut manquer de laisser à la charge des finances publiques un fardeau dont il est impossible de déterminer le poids. Aussi la perspective d’un remboursement à attendre des compagnies est-elle une pure chimère, qu’on essaiera d’entretenir pendant la durée de la période de construction, mais sur laquelle il n’est plus possible de se faire illusion. Remarquez que cette dette, qui prend des proportions si redoutables, s’accroît silencieusement sans que rien en trahisse la marche, sans qu’aucun chiffre soit inscrit au budget et provoque les investigations du parlement, sans qu’aucune pièce justificative soit soumise à la Cour des comptes. Les livres des compagnies sont la seule source de renseignemens avec des rapports sommaires des inspecteurs des finances qui contrôlent les additions. La Cour des comptes se plaint avec raison de ne pouvoir obtenir aucun éclaircissement sur ce budget mystérieux qui se chiffre par des centaines de millions et de n’avoir, pas plus que le parlement, un seul moyen de vérifier si les conventions de 1883 sont exécutées conformément aux dispositions législatives, et si toutes les dépenses portées en compte à l’État ont reçu une affectation conforme à la loi. On n’a pas déféré ces observations de la Cour des comptes et on ne cherchera à instituer aucun contrôle régulier :