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le crédit était demeuré intact, et spécifia que pour l’exécution des engagemens ainsi contractés, 4 millions l/2 seraient prélevés sur les crédits à inscrire, au budget de 1888. La commodité d’un tel procédé encouragea à en renouveler l’emploi : pour suppléer à la brèche faite d’avance aux 9 millions ½ du budget de 1888, le ministre fut autorisé à contracter, jusqu’à concurrence de 2 millions, des engagemens anticipés sur le crédit de 1889. Ce même emprunt d’un exercice à l’autre se répète pour 3 millions en 1889, et se répétera en 1890. C’est ce qu’on appelle, dans le langage familier, manger son blé en herbe. On ne saurait imaginer rien de plus irrégulier que de faire supporter à un exercice les dépenses de l’exercice précédent ; ces viremens d’un exercice à un autre sont autrement dangereux que des viremens à l’intérieur du même budget. Où sont les moyens de contrôle ? Comment vérifier que, dans le désir d’assurer le triomphe d’un candidat agréable, l’administration n’a, pas excédé la limite des promesses qu’elle est autorisée à faire ? Qui garantit que, dans la lutte électorale de 1889, elle hésitera à épuiser les crédits proposés pour 1890 ?

Une loi spéciale est d’autant plus indispensable que, toute latitude étant laissée, jusqu’à présent, au ministre de l’intérieur pour la répartition des subventions et des prêts, la faveur a seule présidé à la distribution des fonds. Pendant que des communes voyaient échouer leurs sollicitations les plus instantes, d’autres étaient traitées avec une libéralité excessive. Il en est résulté que dans bien des communes auxquelles un puissant patronage assurait une large part des faveurs ministérielles, on a multiplié outre mesure le nombre des chemins, ou on leur a donné de trop grandes dimensions ; et maintenant que les dépenses scolaires pèsent lourdement sur leur budget, ces mêmes communes sont hors d’état d’entretenir ces chemins entrepris avec tant d’ardeur et construits à si grands frais. Le service vicinal constate qu’un grand nombre de chemins sont à peine praticables, et que quelques-uns retournent rapidement à l’état de nature. Il est manifeste que, dans certaines régions, il y a eu un véritable gaspillage d’argent. En même temps que la loi promise mettra fin à ces abus en soumettant à des conditions rigoureuses l’octroi des subventions, et en assurant un contrôle efficace sur leur emploi, elle remédiera à un autre inconvénient, l’impossibilité ma. L’on.es.t actuellement de voir clair dans la dépense, à raison de la multiplicité des comptabilités diverses dont il faut scruter les arcanes. Ainsi qu’un député conservateur l’a constaté au cours de la dernière discussion du budget, il est tenu soit par le trésor. soit par la caisse des dépôts et consignations, quatre comptes différens des dépenses relatives aux chemins vicinaux,