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Pomme de pin, où les quatre amis tenaient volontiers leurs assises, en compagnie de quelques hommes d’esprit. Chapelle, Furetière. et de quelques grands seigneurs, comme les Vivonne et les Nantouillet ; que, chez lui, rue du vieux-Colombier, où il habitait alors ; que dans quelqu’une enfin de ces promenades qu’ils faisaient parfois ensemble du côté de Versailles, — et dont le prologue de la Psyché de La Fontaine nous a conservé le souvenir, — Boileau ne leur ait lu ses premières Satires ; n’en ait, sur leur conseil, effacé un nom pour y en mettre un autre ; n’ait provoqué leur jugement avant que de s’exposer à celui du public. Et ce qui est plus certain encore que tout le reste, parce que nous avons leurs Œuvres, là, sous la main, pour nous en assurer, c’est que l’idéal poétique de Molière, de La Fontaine, de Racine, est constamment le même que celui de Boileau. Je veux dire qu’il n’en diffère que dans la mesure où diffèrent d’abord les genres dans lesquels ils se sont exercés, et ensuite leurs génies entre eux. Même, celui de qui l’observation semblerait le plus contestable, — j’entends La Fontaine, — est au fond celui dont elle l’est le moins. Toute une partie de son œuvre, antérieure aux Satires et à l’Ecole des femmes, est dans le goût de voiture et de Benserade ; mais une autre est vraiment de lui ; et c’est celle qu’il a écrite, sinon sous l’influence, du moins après, et d’après les Satires de Boileau.

Très nettement indiqué dans les premières Satires, mais par prétention, en quelque sorte, et enveloppé dans ses attaques contre l’auteur d’Alaric ou contre celui de la Pucelle, comme l’amour de la vérité l’est dans la dénonciation de l’erreur ou du mensonge, comme une affirmation l’est dans la négation de son contraire, comme l’aveu de nos goûts enfin l’est dans l’expression de nos antipathies, cet idéal se dégage et se précise dans les Satires VIII et IX, dans le Dialogue des Héros de Romans, qui n’a paru que beaucoup plus tard, mais qui est bien de cette époque, et dont la plaisanterie manque de grâce et de finesse, est trop longue et trop lourde, mais dont le sens est si clair. Il s’épure dans les Epîtres ; et les amis du satirique lui rendent alors ce qu’ils en ont reçu. Si l’on a pu dire en effet avec vérité que, sans les conseils et les encouragemens de Boileau, Molière aurait peut-être écrit moins de Misanthrope que de Pourceaugnac, Racine plus de Bérénice que de Britannicus, La Fontaine moins de Fables et beaucoup plus de Contes, on peut dire également que Tartuffe, Iphigénie, les Fables, en justifiant ou en dépassant les espérances de Boileau, lui enseignent le prix de quelques-unes des qualités qui lui manquent : celui de l’imagination, par exemple, ou encore celui de la sensibilité. Son talent, un peu vulgaire, vraiment bourgeois dans les premières