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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra Comique : Esclarmonde, opéra romanesque en 4 actes et 8 tableaux, paroles de MM. Alfred Blau et Louis de Gramont, musique de M. J. Massenet.

Le proverbe n’a raison qu’à demi : l’art est difficile ; mais la critique n’est point aisée. Elle l’est moins que jamais lorsqu’on a de l’amitié pour celui qu’on doit critiquer, beaucoup de sympathie pour son très grand talent, de la tendresse pour plus d’un de ses ouvrages. Que dire alors et comment faire ? — Comment ? Le plus simplement et surtout le plus loyalement possible. Il ne s’agit que de dire la vérité ou plutôt ce que l’on croit la vérité. Je sais bien que pour un autre il s’agit de l’entendre ; mais cela n’est peut-être pas impossible à tous les hommes de talent et d’esprit.

Voici le sujet de l’opéra de M. Massenet : Esclarmonde est la fille de Phorcas, empereur d’Orient et magicien. Il s’agit, bien entendu, d’un Orient de fantaisie : par là se justifie cet r peu historique ajouté au nom de Phocas. Pour avoir approfondi les mystères surnaturels, l’empereur est contraint d’abandonner le trône à sa fille, magicienne aussi, mais qui, pour conserver son pouvoir, doit rester voilée jusqu’à l’âge de vingt ans. Alors s’ouvrira dans Byzance un tournoi solennel, et le vainqueur épousera la jeune et ravissante impératrice.

Mais, en attendant, la ravissante impératrice s’ennuie. Elle s’ennuie d’autant plus qu’elle aime de tout son cœur, et même, et surtout autrement. un beau garçon qui jadis a traversé Byzance : le chevalier Roland, comte de Blois. A peine maîtresse d’elle-même. Esclarmonde use de son art pour faire venir Roland dans une île enchantée. Elle s’y