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et fréquentés par 39,717 élèves. L’école industrielle de Salem (Orégon) compte 202 élèves des deux sexes. On y apprend aux jeunes gens l’imprimerie, la cordonnerie, le charpentage, l’agriculture ; aux filles, la couture, la cuisine, le blanchissage et même le piano.

Un tiers des Peaux-Rouges a adopté l’usage des vêtemens européens (en partie ou en totalité). Un sur quinze sait lire. Un sur douze parle anglais. 2,246 ont appris à lire en 1887. Outre les sommes mises à la disposition des écoles par le gouvernement, les sociétés religieuses ont donné 1,215,000 francs aux Indiens pendant la même année.

Il est un fait assez remarquable et que nous ne saurions passer sous silence : l’instruction de l’homme rouge, sauf de races exceptions, ne peut dépasser un certain niveau qui n’est jamais fort élevé. Dans les écoles nombreuses qui parsèment le territoire, on apprend aux enfans les élémens et rien de plus.

Les tribus moins civilisées que les Cinq-Nations sont éparpillées autour des lacs et dans la partie occidentale des États-Unis. Comme les musulmans des confins du Sahara algérien, ces sauvages, ennemis jurés de toute civilisation, n’ont point encore perdu tout espoir de revanche. Dans sa marche progressive, l’élément blanc les presse de toutes parts, les accule vers l’Océan-Pacifique, vers les frontières du Dominion, sans avoir pu améliorer leur condition ni adoucir leurs coutumes barbares. Et l’on peut appliquer en particulier aux misérables dans des Montagnes-Rocheuses ce qu’écrivait J. de Maistre : « Le sauvage dételle le bœuf que les missionnaires viennent de lui confier, et le fait cuire avec le bois de la charrue. »

Ceci, toutefois, ne saurait s’appliquer à tous les Indiens en dehors des Cinq-Nations, et il y a lieu d’établir entre elles de très notables distinctions. Ceux qui habitent au bord des grands lacs se sont groupés en villages. Autour de leurs huttes, arrondies comme celles des castors, des patates étalent leurs feuilles triangulaires, et le mais ses épis gonflés d’où sortent des touffes de fils blanchâtres.

Les Sioux et les Shoshones, campés dans les gorges des Montagnes-Rocheuses, en compagnie des vautours au cou décharné, réfractaires à toute civilisation, répondent au portrait humoristique de J. de Maistre. Le Shoshone considère le travail des mains comme dégradant, il poursuit au galop de son cheval le bison, qui fuit l’approche de l’infatigable pionnier ; ses femmes, images vivantes de la misère, le suivent par derrière, en courant de toute la vitesse de leurs jambes. Ceux qui n’ont point de chevaux voient le gibier leur échapper, ils vivent de racines et cherchent à extorquer par la ruse ce que la chasse ne peut plus leur fournir. De là aussi