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marche au mois de décembre 1880, à la tête de 600 de ces nomades insatiables.

Toutefois, ses préparatifs, qui durèrent deux ans, avaient attiré l’attention des troupes chargées de veiller à la garde du territoire ; aussi, dès que Payne et ses boomers se présentèrent aux confins de la réserve, ils trouvèrent des cavaliers de l’armée des États-Unis qui les rejetèrent dans le Kansas.

La mort de Payne, survenue en 1884, ne mit pas fin aux tentatives de colonisation de cette terre, que l’on nomma Oklahoma, « belle terre. » dans la langue des Indiens.

Mais une loi formelle continuait à interdire aux settlers l’accès de ce territoire. Le congrès, plusieurs fois appelé à donner son opinion, ne répondait point et les choses restaient en l’état. Les troupes chargées de la police de la grande réserve déconcertaient toutes les tentatives de prise de possession, en chassant les bandes organisées, en expulsant quelques settlers isolés qui avaient réussi à tromper leur vigilance et à fouiller les bois dans l’espoir d’y découvrir des mines. Le settler refusait-il de rebrousser chemin ? on l’attachait à sa propre charrette et on le traînait de vive force hors de la frontière.

Cependant, les spéculateurs, plus pratiques que Payne, n’usèrent point leurs forces dans de stériles tentatives. Ils présentèrent à la sanction des pouvoirs publics un projet de loi ouvrant non-seulement l’Oklahoma proprement dit, mais aussi toute partie du territoire indien non occupée par les cinq tribus civilisées.

Le sénat n’adopta pas dans son ensemble ce projet de loi connu sous le nom de Springer bill. Il autorisa simplement la colonisation de l’Oklahoma, c’est-à-dire du 1/6 environ des terres vacantes du Territoire Indien. Le général Harrison, président des États-Unis, autorisa les colons à y pénétrer le 22 avril 1889, à midi.

D’après ce qui précède, et contrairement à ce que la plupart des journaux ont annoncé, le territoire en question ne constitue point le dernier refuge des Peaux-Rouges, et l’invasion des settlers n’a point marqué l’anéantissement de cette race, vraisemblablement en effet condamnée à disparaître, mais dont l’Europe a sonné le glas prématurément.

Loin de calmer les impatiences, la proclamation du général Harrison surexcita la cupidité des États d’alentour. On fit d’immenses préparatifs ; un grand nombre de fermiers, décidés à abandonner des terres médiocres, démontèrent leurs habitations pour se lancer dans le nouvel Eldorado.

Des groupes se formèrent avec l’intention d’arriver dans l’Oklahoma le 22 avril au matin. Il paraît que ces associations,