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les terres vierges des Amériques, ceux-ci fouillent le sol africain, et, derrière l’épais rideau du désert, ils y découvrent de larges fleuves, de grands lacs, des peuples, des armées, presque des empires.

La géographie et l’ethnographie, longtemps délaissées, sont aujourd’hui aux premiers rangs des sciences, grâce à l’abondance des descriptions, des cartes, des dessins, des observations qui leur sont apportés de toutes parts et dans toutes les langues. De même, les récits des voyageurs ont pris une grande place dans la littérature contemporaine. Ils ont cessé d’être suspects ; car, du plus loin qu’ils viennent, ils sont exposés à se voir facilement contrôlés et démentis, si l’imagination s’y donnait trop de licence aux dépens de la vérité. A quoi bon, d’ailleurs, recourir à l’imagination, quand il y a dans l’exacte description de la nature et de l’homme un sujet inépuisable d’observations et d’étude ? Les impressions de voyage, telles qu’on les écrivait autrefois, ne sont plus de mode ; ce que le voyageur a éprouvé et ressenti personnellement importe moins que ce qu’il a vu ; nous demandons, avant tout, un récit qui soit ressemblant, comme doit l’être un portrait, avec la lumière et les teintes qui lui conviennent, et nous désirons, comme garantie plutôt que comme ornement, le dessin ou la photographie qui accompagne le texte. Telles sont les relations qui se succèdent depuis près de trente ans dans un recueil justement renommé, le Tour du monde. Cette publication a contribué, plus qu’aucune autre, à répandre le goût des voyages et des études, géographiques ; elle a rendu populaire le nom ou la mémoire de ces nombreux explorateurs qui, pour le bien de l’humanité, ont découvert des pays ignorés ou tracé de nouvelles routes ; elle a recueilli les souvenirs des voyageurs plus modestes qui, par les sentiers frayés, devenus si faciles, ont étudié, pour leur agrément comme pour le nôtre, les institutions, les mœurs, les arts des nations, petites ou grandes, jeunes ou vieilles, qui vivent aux différens points de la terre. Et ce journal universel se continue comme un panorama qui ne doit point finir. — A la suite des explorateurs et des touristes, voici les peuples et les gouvernemens qui se mettent en marche, obéissant à un mouvement général d’expansion qui les entraîne hors des frontières, et leur inspire aujourd’hui, comme au XVIe siècle, la conquête violente ou l’occupation pacifique de colonies lointaines. Œuvre lente, ardue, coûteuse, dont nous pouvons, dès les premiers pas, reconnaître les difficultés et même les périls. Que valent ces terres, dont les gouvernemens de l’Europe recherchent la possession, soit par les armes, soit au moyen de partages amiables concertés dans un congrès ? Quels sont ces peuples, ou ces tribus