Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout devait avoir et eut en effet pour résultat d’exciter encore le zèle révolutionnaire des adversaires de la veille et de rapprocher de ceux-ci bon nombre d’esprits jusqu’alors désintéressés ou hésitans. L’impression produite au dehors finit par se communiquer à l’intérieur de l’Académie elle-même, si bien que, malgré les efforts de Vien, recteur à ce moment, pour amener une conciliation, l’Académie se trouva partagée presque par moitié en deux camps : celui des réformateurs radicaux, auxquels s’étaient joints les partisans d’une réforme modérée, et celui des « entêtés, » comme on les appelait, c’est-à-dire d’hommes vieillis dans l’exercice de leurs prérogatives et qui, convaincus de leur bon droit, ne voulaient entendre à aucun arrangement ni se résigner à aucun sacrifice. Ainsi affaiblie par la division, l’Académie n’offrait déjà plus qu’une proie facile aux ennemis qui avaient projeté de s’en saisir ; elle n’était plus qu’un édifice miné près de s’écrouler au premier choc, et dont un rude coup porté par l’assemblée nationale elle-même venait d’ailleurs d’ébranler encore les fondemens.

La décision législative en vertu de laquelle l’exposition de 1791 devait, contrairement aux anciens usages, s’ouvrir « à tous les artistes français et étrangers, » entraînait en effet pour les académiciens la ruine d’un de leurs principaux privilèges, et de plus elle semblait être le préambule d’une série de mesures destinées à leur arracher le peu qui leur restait d’influence sur les artistes ou de crédit auprès du public. Ce fut dès lors, parmi les prétendus vengeurs de la liberté, si longtemps opprimée suivant eux, à qui travaillerait avec le plus d’ardeur à précipiter ce résultat final ; ce fut à qui, pour échapper désormais au joug académique, se rangerait avec le plus d’empressement sous le pouvoir dictatorial de David et applaudirait avec le plus de frénésie à tous les réquisitoires formulés par un homme qui n’en voulait tant à l’Académie que parce qu’il entendait bien être une académie à lui seul.

Le rôle de David est véritablement odieux dans toute la période comprise entre le moment où il a commencé de prêcher la révolte contre la compagnie dont il avait, peu d’années auparavant (1783), sollicité et obtenu les suffrages, et celui où, à force de dénonciations et d’invectives, il a réussi à en faire décréter la suppression. Artiste supérieur par le talent, mais, au point de vue du caractère, un des moins honorables assurément, le peintre des Horaces, tant que dure cette période révolutionnaire, ne recule devant aucun moyen coupable, devant aucun outrage en actes ou en paroles, pour satisfaire ses rancunes personnelles et pour assurer sa domination. Un jour, à un appel presque suppliant que lui