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mirent la main au collet. Pendant longtemps la Birmanie et Ceylan avaient eu le privilège du fournir à l’Europe des saphirs. Mais depuis la découverte de nouvelles mines à Bangkok et dans l’Himalaya, près de Simla, cette pierre a perdu beaucoup de sa valeur. Ce qui valait 750 francs par carat n’en vaut plus que 150. Il est une autre pierre d’un rapport autrement important que celles du rubis et du saphir, c’est le jade, serpentine d’un blanc verdâtre dont les gisemens se trouvent à l’ouest de Mogoung, dans la vallée de l’Orou, un des affluens du Kyendwin. Les mines sont travaillées par les sauvages Kakhyens et leurs produits sont achetés par lus Chinois. On en extrait chaque année pour une valeur de 2 millions de francs. C’est toujours la pierre favorite des Célestes, qui en font des coupes, des boutons de mandarins et des amulettes. Pour satisfaire les véritables connaisseurs, il faut que le jade soit d’un vert brillant comme l’émeraude, ou d’une grande blancheur, mais sans transparence. Il est, en Chine, des boucles d’oreilles en beau jade vert évaluées et payées 50,000 francs la paire.

La faune est des plus remarquables. L’éléphant sauvage habite les forêts en troupes nombreuses. Les Birmans, qui vénèrent l’éléphant blanc à l’égal d’un dieu, ne savent pas utiliser cet animal comme font les Siamois. La Bombay Burmah Corporation, qui exploite les forêts de teck dans le royaume de Siam, a eu plusieurs milliers d’éléphans à son service depuis sa formation. Pas d’ouvriers au monde plus dociles, plus patiemment attachés à leur rude besogne. Les tigres, les léopards, les grands fauves, abondent dans les jungles. Le rhinocéros et le crocodile peuplent les parties basses des rivières. Le poisson, qui, avec le riz, est la nourriture principale des Birmans, est très abondant. Une des grandes industries des villages qui bordent l’Iraouaddy est d’en faire une pâte, qui, desséchée et fortement salée, se garde dans les habitations, ou elle répand une odeur des plus répulsives.

On ne trouve en Birmanie ni manufacture de soie ni manufacture de coton à l’européenne, mais il y a beaucoup de métiers à la main qui donnent des étoffes très belles en dessin et en couleur. Il est à craindre que les bas prix des produits fabriqués à Manchester, Glascow et Bombay ne ruinent la fabrication indigène. Il est bien à désirer que, ainsi qu’en Tunisie et en Algérie, où fonctionnent encore beaucoup de métiers indigènes, les tisseurs birmans continuent à produire ces soieries aux belles couleurs, aux dessins merveilleux, dont l’Asie possédait le secret avant nous.

Dès l’année 1884, les Anglais faisaient avec la Birmanie et par