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abandonner son poste et retourner à Calcutta. Symes, le décoré, l’ex-ambassadeur, revint à Ava, en 1802, sur l’ordre que lui en donna lord Wellesley. Cette fois, l’ambassadeur fît un fiasco complet, car il ne fut même pas reçu par le souverain. On accusa l’influence française de cet échec, et l’accusation était justifiée. Les querelles entre Anglais et Birmans devinrent dès lors incessantes ; elles devaient fatalement aboutir à une déclaration de guerre.

En ce moment-là, l’empire birman était l’un des puissans empires d’Asie. Indépendamment de la Birmanie propre, des provinces du Pégon, d’Arakan et de Tenasserirn, il comprenait la principauté de Mogoung, les états des Shans du nord, ainsi que ceux de Kakhyen, Assam, Cachar et Manipour. Les chefs des états des Shans étaient ses tributaires jusqu’aux rives du Mékong.

L’armée des Birmans était tellement habituée à battre ses ennemis et à conquérir des territoires, qu’elle demanda à ses chefs de l’embarquer pour aller à la conquête de l’Angleterre. Cette jactance, naturelle chez des soldats qui avaient toujours battu leurs ennemis et repoussé un nombre infini d’invasions chinoises, leur devint funeste. Il est vrai que, tout d’abord, les premières rencontres furent contraires aux Anglais ; à Assam. à Sillet, on les tint en échec ; à Chattagong, on les mit en déroute. Quand la nouvelle en parvint à Calcutta, il y eut panique et les Anglais s’organisèrent en milice. Quelques années après notre instillation en Nouvelle-Calédonie, les Australiens firent de même. A la guerre, la fortune cause de cruelles surprises. Les forces britanniques, au nombre de 12,000 hommes dont 7,000 de troupes indigènes, battirent complètement un jour le meilleur des généraux birmans. Le roi, terrifié par la marche rapide des Anglais qui n’étaient plus qu’à 45 milles d’Ava, demanda à composer. D’un seul coup, il leur abandonna Arakan, Tenasserirn, ainsi qu’une partie de Martaban. Cachar, Iyutea et Assam furent évacués par ses troupes, et d’un commun accord, on déclara Manipour ville indépendante, mais sous le protectorat de la Compagnie des’ Indes. Or on sait aujourd’hui mieux qu’autrefois ce que signifie ce mot de protectorat. Ces triomphes n’en coûtèrent pas moins très cher aux troupes anglaises, car la guerre, commencée à l’époque la plus malsaine de l’année, avait occasionné des vides terribles chez les envahisseurs. Les pertes s’élevèrent jusqu’à 72 pour 100, dont 5 seulement provenaient d’armes à feu.

La leçon de modestie infligée aux soldats birmans n’ayant paru suffisante ni aux vainqueurs ni aux vaincus, les Anglais, poussés à bout par un roi peu clairvoyant, entrèrent de nouveau en campagne en 1852, et, en moins d’un an, Moulmein, Bassein et Prôme