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dans une guerre est enterré à Nice ; c’était un ami d <- l’Italie, il s’appelait Gambetta. Ses successeurs ou ses rivaux à la tête des divers groupes parlementaires ne rêvent que de batailles à coups de votes, de guerres de partis, de campagnes électorales. Absorbés dans leurs luttes intestines, ils ne connaissent qu’une conquête, celle du pouvoir et des places. République, constitution, révision sont les étendards sous lesquels ils se rangent. Si leurs querelles n’ont pas encore détruit l’administration et l’armée françaises, nous le devons, pour une bonne part, aux menaces du dehors. Les revues de Rome et de Berlin nous tiennent en haleine ; les clairons de l’étranger rappellent au Palais-Bourbon qu’il y a autre chose que des questions électorales : elles lui remettent en mémoire, avec les périls de la France, la solidarité nationale.

Il y a en ce moment, à Paris, un témoin de nos intentions pacifiques malaisé à récuser : l’exposition universelle. A travers tous les incidens soulevés sur notre frontière, pendant que nos voisins ne cessaient de réclamer de leurs parlemens de nouveaux fonds pour armer contre nous, la république française construisait des galeries gigantesques pour loger les industries, les œuvres d’art, les machines, tout le matériel pacifique du travail contemporain. Je ne sache pas que jamais peuple ou gouvernement ait donné à la paix, en face de tels périls, une telle marque de confiance et d’amour. Quelques-uns prenaient ce sang-froid pour de la témérité ; plus d’un étranger annonçait que ce serait d’autres fêtes qui célébreraient le centenaire de 1789, et que, si les voisins de la France venaient la visiter, ce ne serait pas en curieux pour contempler la tour de 300 mètres. Eh bien ! en face de ce Champ de Mars, indéniable garant de nos sentimens pacifiques, on va répétant, à Rome connue à Berlin, que si la guerre n’a pas encore éclaté, l’Europe le doit à la triple alliance. Sur l’un des arcs-de-triomphe élevés pour l’empereur Guillaume, à Castellamare, on lisait, il y a quelques mois : Paie imposta, paix imposée. — Menzogiut ! crient à la face de l’univers, la tour Eiffel et le palais des machines. Jamais plus menteuse légende ne s’est étalée sur les monumens de l’adulation officielle. On n’impose pas la paix à qui veut la paix.

La triple alliance fait profession de garantir la paix ; on pourrait dire qu’elle la compromet. Nous ne voulons pas mettre en doute la sincérité des trois puissances : mais leurs démonstrations pacifiques ont une odeur de poudre. Le seul fait d’une alliance de trois états militaires a quelque chose d’inquiétant. Elle coupe l’Europe en deux ; elle semble inviter à une contre-ligue. Elle oblige les puissances indépendantes à ranger, elles aussi, leurs bataillons en ligne. Et, de fait, jamais les craintes de guerre n’ont été plus fréquentes que depuis la conclusion de cette ligue de la paix. Chaque