Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tu seras semblable à un petit enfant et tu vivras pauvre parmi les pauvres. La souffrance sera ton pain de chaque jour et tu pleureras avec tant d’abondance que tes larmes formeront des fleuves où l’esclave fatigué se baignera délicieusement. Va, mon fils !

Le prince Jésus obéit au bon Seigneur et il vint sur la terre en un lieu nommé Bethléem de Juda. Et il se promenait dans les prés fleuris d’anémones, disant à ses compagnons :

— Heureux ceux qui ont faim, car je les mènerai à la table de mon père ! Heureux ceux qui ont soif, car ils boiront aux fontaines du ciel. Heureux ceux qui pleurent, car j’essuierai leurs yeux avec des voiles plus fins que ceux des almées !

C’est pourquoi les pauvres l’aimaient et croyaient en lui. Mais les riches le haïssaient, redoutant qu’il n’élevât les pauvres au-dessus d’eux. En ce temps-là, Cléopâtre et César étaient puissans sur la terre. Ils haïssaient tous deux Jésus et ils ordonnèrent aux juges et aux prêtres de le faire mourir. Pour obéir à la reine d’Egypte, les princes de Syrie dressèrent une croix sur une haute montagne et ils firent mourir Jésus sur cette croix. Mais des femmes lavèrent le corps et l’ensevelirent et le prince Jésus, ayant brisé le couvercle de son tombeau, remonta vers le bon Seigneur son père.

Et, depuis ce temps-là, tous ceux qui meurent en lui vont au ciel. Le Seigneur Dieu, ouvrant les bras, leur dit :

— Soyez les bienvenus, puisque vous aimez le prince mon fils. Prenez un bain, puis mangez.

Ils prendront leur bain au son d’une belle musique, et, tout le long de leur repas, ils verront des danses d’almées et ils entendront des conteurs dont les récits ne finiront point. Le bon Seigneur Dieu les tiendra plus chers que la lumière de ses yeux, puisqu’ils seront ses hôtes, et ils auront dans leur partage les tapis de son caravansérail et les grenades de ses jardins. Ahmès parla plusieurs fois de la sorte et c’est ainsi que Thaïs connut la vérité. Elle admirait et disait :

— Je voudrais bien manger les grenades du bon Seigneur.

Ahmès lui répondait :

— Ceux-là seuls qui sont baptisés en Jésus goûteront les fruits du ciel.

Et Thaïs demandait à être baptisée. Voyant par là qu’elle espérait en Jésus, l’esclave résolut de l’instruire plus profondément, afin qu’étant baptisée, elle entrât dans l’Église. Et il s’attacha étroitement à elle, comme à sa fille en esprit.

L’enfant, sans cesse repoussée par ses parens injustes, n’avait point de lit sous le toit, paternel. Elle couchait dans un coin de l’étable parmi les animaux domestiques. C’est là que, chaque nuit,