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REVUE. — CHRONIQUE.

amis ont agi en politiques et en tacticiens, en même temps qu’en patriotes. C’est justement ce qui a produit la scission, ce qui a donné naissance à un parti nouveau, celui des jeunes Tchèques, qui ont la prétention de représenter la jeune démocratie libérale et progressive, qui ont reproché à M. Rieger ses alliances aristocratiques, ses complaisances pour un ministère de réaction tempérée. Les jeunes Tchèques, avec des chefs comme M. Gregr, M. Herold, ont levé le drapeau contre les vieux Tchèques. Déjà la scission s’était manifestée à la session du Reichsrath ; elle vient d’éclater plus vivement aux récentes élections de la diète de Bohème, et de fait, c’est la jeunesse qui a triomphé, au moins relativement ; dans les villes comme dans les campagnes. Les jeunes Tchèques, qui ne comptaient que dix représentans à la dernière diète, vont être plus de cinquante dans la diète nouvelle. Ils ont rapidement conquis la faveur populaire. C’est peut-être d’un singulier augure pour les élections futures du Reichsrath, — et c’est ici que la question se complique, qu’elle peut intéresser l’existence du ministère de Vienne, la politique même de l’empire.

Que les heureux jeunes Tchèques triomphent aux élections plus ou moins prochaines du Reichsrath, comme ils viennent de triompher aux élections de la diète de Bohême, c’est possible. Que feront-ils alors ? Ils peuvent sans doute, par une politique agitatrice, créer les difficultés les plus sérieuses au ministère du comte Taaffe qui a besoin de l’appui des Tchèques pour avoir une majorité parlementaire ; mais ils ne le peuvent qu’en n’alliant directement ou indirectement à l’opposition, qui est essentiellement allemande, qui, sous le nom de libéralisme, représente le plus pur centralisme allemand. De sorte qu’ils se trouveraient dans l’alternative, ou de subir les nécessités que leurs prédécesseurs ont subies, de, reprendre la politique de M. Rieger s’ils veulent servir utilement la cause de leur pays, ou de favoriser l’avènement d’un ministère qui serait plus hostile aux revendications tchèques, qui rendrait une force nouvelle aux influences allemandes dans les affaires de l’empire. On n’en est pas encore là, il est vrai, et les choses, heureusement sans doute, ne marchent pas avec cette logique en Autriche. Les récentes élections des diètes provinciales ne sont pas moins le symptôme d’un certain mouvement assez confus qui peut préparer, à côté des difficultés extérieures de l’empire austro-hongrois, des difficultés intérieures nouvelles.

Tous les pays ont leurs crises ou leurs imbroglios, et sans être précisément violente, sans se compliquer de menaces d’agitations populaires, la crise-imbroglio que traverse l’Espagne n’est pas moins instructive et curieuse. Elle va se terminer sans doute provisoirement par la clôture de la session ; elle ne laisse pas d’offrir, depuis quelques jours, un spécimen assez bizarre de la vie parlementaire au-delà des Pyré-