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annoncé un événement qui ne devait s’accomplir qu’au IIe. C’est ainsi que raisonnait déjà Josèphe à propos du temple d’Onias. Il voit que ce temple, élevé en Égypte au dieu des Juifs vers 150 avant notre ère, est clairement désigné dans un passage du livre qui porte le nom d’Isaïe. Au lieu d’en conclure que ce livre, ou tout au moins ce passage, n’a été écrit qu’après l’année 150, il assure qu’Isaïe a prophétisé, six cents ans à l’avance, ce qu’Onias a accompli. De même, quand le savant hollandais Vitringa, à la fin du XVIIe siècle, reconnaissait dans les chapitres XXVII et suivans d’Isaïe la description d’un événement qui s’est passé sous l’Asmonée Simon, on n’en concluait rien contre l’authenticité du livre. +

Vers la fin du XVIIIe siècle, le point de vue changea ; on ne crut plus volontiers aux prophéties, du moins dans l’Allemagne protestante, et le rationalisme prévalut dans la critique. Mais comme en même temps on n’a pas voulu abandonner l’idée qu’on s’était faite de l’antiquité des Prophéties, il a fallu renoncer à reconnaître dans leurs livres des événemens des temps modernes. C’est ainsi qu’Ernest Rosenmüller, par exemple, s’y refuse absolument, et, sauf de très rares exceptions, deux seulement dans Isaïe, il ne daigne pas même nous avertir que d’autres avant lui les y avaient reconnus[1].

Mais un commentateur de ceux qu’on appelle les Petits prophètes, P. Ackermann, de Vienne, dont la foi catholique ne marchande pas avec le surnaturel, n’a pas hésité, vers la même date, à reproduire les idées des exégètes d’autrefois. Il y a dans son livre plus de vingt passages qu’il applique, d’après eux, à l’époque des Asmonées, sans parler de ceux pour lesquels il descend jusqu’au temps des Romains.

Il n’est donc nullement nouveau de signaler dans les Prophètes l’impression d’événemens d’une date récente, mais il faut comprendre quelles conséquences on en doit tirer, et ne pas s’obstiner à faire remonter les livres prophétiques à une date séparée de ces événemens par plusieurs siècles.


I

J’entre maintenant dans le détail des prophéties ; mais si je veux obtenir qu’on reconnaisse dans les livres prophétiques l’histoire du IIe siècle avant notre ère, il faut d’abord que je remette cette histoire sous les yeux de mes lecteurs ; car elle est, en général, sinon précisément trop peu connue, du moins trop peu présente à la plupart des esprits.

  1. Je parle des Scholia in compendium redacta, Leipzig, 1835, les seuls que j’aie eus sous les yeux.