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aurait vu cette maison sainte, non pas profanée, mais réduite en cendres. Celui qui parle pense à Antiochus, et non à Nabuchodonosor.

D’ailleurs, dans Jérémie comme dans Isaïe, à côté des images douloureuses se trouve tout de suite la peinture des jours heureux qui leur succèdent, et où les calamités aboutissent à la délivrance et à la grandeur. Jéhova ramène Israël à Sion et lui donne des pasteurs selon son cœur qui gouvernent avec sagesse. Il les multiplie, et ils prospèrent. Jérusalem est appelée le tronc de Jéhova et les peuples y accourent pour l’honorer (3-14). Et ailleurs (30-8) : « En ce jour, Jéhova brise le joug qui est sur ton cou ; il délie tes chaînes, les étrangers ne t’assujettiront plus. Ils servent Jéhova leur dieu et David leur roi que je relève… Oui, je panse tes blessures, je guéris tes plaies… Je rétablis les tentes de Jacob ; la ville se relève sur sa colline ; le palais est assis à sa place. Ils font entendre des hymnes de louange, des cris de joie ; .. je les multiplie et leur nombre ne sera pas réduit ; je les glorifie et ils ne seront plus méprisés… Leur chef est un des leurs, leur souverain sort du milieu d’eux… Et vous serez mon peuple et je serai votre dieu. » — Non-seulement tout cela est trop beau pour l’humble situation d’Israël, au retour de la captivité de Babylone ; mais surtout, il importe de le redire, ce retour est trop loin de la catastrophe où le royaume de Juda avait péri, pour que le même poète ait pu peindre à la fois l’un et l’autre. De telles paroles ne se comprennent qu’à l’époque où Juda, vingt-cinq ans seulement après Antiochus Épiphane, s’est retrouvé pour la première fois indépendant et a compté parmi les peuples. La rapidité avec laquelle celle révolution s’est accomplie a inspiré à l’auteur le récit symbolique (32-7), où tandis que la ville assiégée est près de tomber dans les mains des Chaldéens, Jérémie, alors enfermé dans une prison, achète un champ à un parent avec toutes les formalités légales, et met l’acte de vente dans un vase de terre où il doit se conserver : « Car ainsi, dit Jéhova Sabaoth, dieu d’Israël, on achètera encore des maisons, des champs et des vignobles dans ce pays-ci. » C’est-à-dire qu’on peut attendre et qu’on n’attendra pas longtemps.

J’ai déjà expliqué, à propos d’Isaïe, comme il faut entendre ces mots, David leur roi.

Mais voici un autre tableau, qui ne peut non plus se placer qu’à cette date. C’est celui du retour d’Ephraïm ou d’Israël, au sens restreint où le nom d’Israël s’oppose à celui de Juda, c’est-à-dire le retour des tribus séparées : pour la première fois alors, Éphraïm est réconcilié ou plutôt soumis. Et il suffit d’ouvrir le livre d’Esdras pour s’assurer combien il s’en fallait qu’il en fût ainsi au temps de Zorobabel. Mais cela s’est vu sous Hyrcan, fils de Simon,