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d’Ephraïm, dont Amos paraît encore plus exclusivement préoccupé que n’était Osée. On pourrait croire que ces deux prophètes n’ont écrit que quand la lutte de Juda contre les Syriens était terminée ; et que l’asservissement et l’humiliation de Samarie est le seul objet qui les touche. Mais le châtiment aboutit à une réconciliation avec le dieu offensé et au pardon qu’il accorde. Et la maison de David, rétablie, réunira sous ses lois, avec l’Idumée, « tous ceux sur qui le nom de Jéhova est invoqué (9-12). » On connaît déjà cette formule.

Amos contient deux passages qui semblent très intéressans pour l’histoire de la prophétie. Dans l’un, parmi les menaces que Jéhova adresse à son peuple, il annonce qu’il lui fera sentir la faim et la soif, non pas du pain et de l’eau, mais de la parole. « Ils courront au loin, de côté et d’autre, cherchant la parole de Jéhova, et ils ne la trouveront pas (8-12). » Ce qu’ils cherchent ainsi, sans doute, c’est une parole rassurante, une promesse qui leur donne confiance, mais que le dieu ne leur accorde pas. En autres termes, l’inspiration ne répond pas à ce que ceux qui souffrent attendent d’elle. C’est ce qu’il y a de plus pénible dans les temps mauvais.

L’autre passage est plus curieux. Amos, se plaçant dans la fiction qui est le cadre de tous les livres que j’étudie, se représente comme dénoncé par un prêtre de Béthel, c’est-à-dire du culte schismatique, au roi d’Israël Jéroboam, comme ayant prophétisé contre lui (le vrai Jéroboam est du VIIIe siècle). Et le prêtre de Béthel lui dit : « Va-t’en d’ici ; va prophétiser en Juda, non à Béthel » (la ville sainte de ceux d’Israël). Là-dessus, Amos fait cette singulière réponse :

« Je ne suis pas prophète, ni fils de prophète ; je ne suis qu’un bouvier, cherchant sa vie sur les sycomores. Jéhova m’a pris comme je suivais mon troupeau, et m’a dit : Va prophétiser sur Israël mon peuple (7-14). » Il se défend d’être prophète, sans doute parce que la situation des prophètes était changée. Pendant la lutte contre les Nations, les prophètes pouvaient se faire des ennemis et courir des dangers ; mais c’étaient les dangers que comporte la liberté, cette liberté, ou ne pouvait penser à la contraindre, car c’était la force dont on avait besoin pour le combat. Après la victoire acquise et l’établissement d’un ordre nouveau, l’autorité, qui n’a jamais beaucoup de goût pour l’inspiration et les inspirés, dut trouver les prophètes indiscrets et eux-mêmes purent se sentir suspects. De là le ton que prend Amos, et qu’on retrouvera plus tard dans Zacharie.

On ne se lasse pas d’entendre la manière dont le Jéhova des prophètes parle du culte extérieur : « Je hais, je condamne vos fêtes, je