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« La paix est en nos cœurs, lorsque la raison commande comme reine et maîtresse ; que la partie inférieure, qui contient le peuple séditieux de nos appétits, obéit ; et que toutes deux se soumettent à la raison éternelle, de laquelle la nôtre emprunte ce qu’elle a de lumière. »

Ne voilà-t-il pas en quelques traits, le futur cardinal-ministre, le contemporain de Descartes et de Corneille ?

Mais il n’oublie pas que ce peuple, qui doit obéir, a besoin de tendresse et de miséricorde. Il se penche sur lui, et, avec lui, élève vers Dieu une supplication d’une belle venue, touchante et attendrie.

« Je proteste que j’emploierai si peu que j’ai d’esprit, si peu que j’ai de force pour maintenir l’union, de laquelle dépend notre conservation.

« Je vous conjure d’en faire autant ; je vous conjure de me seconder en ces saintes intentions. Le Tout-Puissant bénira nos desseins, principalement si nous l’en supplions avec émotion…

« Seigneur ! toute cette assemblée se prosterne à vos pieds, pour vous supplier humblement de nous vouloir donner la paix ; la paix en son âme, la paix avec son prochain, la paix avec vous ; elle dresse ses vœux vers votre Majesté ; elle implore votre aide, sachant que vous êtes le père de la paix, sachant que vous êtes celui qui la donne, qui la maintient et qui l’augmente. Bon Dieu, regardez cette troupe de votre œil de pitié ; exaucez ses prières ! .. »

Ce sermon, où se remarque déjà une si ferme conscience du rôle que devait remplir le ministre de Louis XIII, fut prêché probablement en décembre 1609, quelques mois avant la mort de Henri IV.

Dix-sept ans plus tard, dans un autre sermon prononcé dans des circonstances autrement solennelles, nous retrouvons le même contraste entre l’affectation embarrassée du théologien et la fermeté éloquente du politique.

C’était en 1626, trois jours après la condamnation, quatre jours avant l’exécution de Chalais. Le cardinal-ministre s’était senti, pour la première fois, sérieusement menacé par les intrigues de la cour. Le jeune frère de Louis XIII, Gaston, était le confident et le chef du complot qui venait d’être découvert et qui allait être puni. Gaston, s’exerçant à sa première lâcheté, avait lui-même dénoncé et livré les coupables. Il était encore incertain sur son propre sort. Il tremblait.

C’est alors que, à l’occasion de la fête de l’Assomption, Richelieu, se souvenant de son caractère ecclésiastique et cherchant à