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terrifier, une bonne fois, l’âme pusillanime du jeune prince, Richelieu, avant de donner lui-même l’eucharistie au roi, à la reine mère et à Gaston, réunis auprès de la sainte-table, monte en chaire.

C’est un sermon d’abord ; mais bientôt c’est, une harangue politique, c’est une plainte hautaine, c’est une menace :

« Dieu descend non-seulement en vous, Sire, mais qui plus est, en la reine votre mère et en Monsieur votre frère, qui vont le recevoir avec TOUS.

« Rien qu’il ne soit qu’un, il descend en vous trois, pour vous montrer que, tous ensemble, vous ne devez être qu’un en lui.

« Il vous unit, en terre : vous, Sire, et votre mère, et celui que vous tenez et traitez comme votre fils. — fils qui vous doit aimer, respecter et craindre toute sa vie, non-seulement comme son vrai roi, mais comme son vrai père, et qui ne peut faire autrement sans avoir lieu d’appréhender une seconde descente du grand Dieu sur sa personne, non en manne, comme celle d’aujourd’hui, mais en feu et en tonnerre ! »

C’est ainsi que tous les moyens sont bons à ce vigoureux ouvrier de sa propre carrière et de notre unité politique. La religion est une arme dont son ambition dispose, que ses calculs utilisent et que son esprit, si réellement moderne, met, comme instinctivement, au service de sa politique.

On trouve les mêmes préoccupations dans l’œuvre théologique de Richelieu. Il écrivit beaucoup. Trois ouvrages, dus à sa plume, parurent en son vivant ; deux après sa mort. Nous n’avons pas à les analyser ici. Mais puisqu’ils furent conçus et préparés durant ces laborieuses années de l’évêché, essayons du moins d’indiquer la direction que, dans ce genre d’études, se donnait à lui-même ce puissant esprit.


IV. — LES ÉTUDES DE THÉOLOGIE. — LES AMIS DE JEUNESSE.

Nous l’avons vu déjà, dans la première période de sa vie, prendre les leçons d’un docteur de Louvain. Il s’était enfermé, avec lui, à la campagne, aux environs de Paris, et s’était jeté avec une telle ardeur dans ces études, que sa santé même s’en était ressentie. Nous savons aussi qu’il avait étudié sous le célèbre docteur Jacques Hennequin. On a dit enfin qu’il avait eu, pendant quelque temps, pour maître l’Anglais Richard Smith.

L’ensemble de ces renseignemens nous permet de distinguer, parmi les diverses écoles du temps, celle à laquelle Richelieu