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paraît se rattacher tout d’abord. De famille noble, sorbonnien, évêque, il fut un gallican, un épiscopaliste Le jansénisme même paraît l’avoir approché d’assez près. C’est comme une sorte de prédestination qui réunit tout d’abord, autour de lui, les plus illustres protagonistes de la doctrine.

Jansénius, Belge, après avoir étudié à Louvain, vint à Paris vers 1605, et y resta jusqu’en 1610. Il se fit remarquer en Sorbonne, précisément à l’époque où Richer en était le syndic et où Richelieu y prenait lui-même ses grades. Richer, Richard Smith, de Dominis, archevêque de Spalatro, tenaient alors la tête de la doctrine épiscopale et gallicane et menaient vivement la campagne contre la phalange romaine et ultramontaine des jésuites.

Dans ce long séjour à Paris, Jansénius se lia avec Duvergier de Hauranne, plus tard abbé de Saint-Cyran, l’autre père du jansénisme.

Ce Saint-Cyran est une figure d’athlète. L’ambition le dévore : l’ambition la plus haute, la plus désintéressée, mais l’ambition. Il y a en lui je ne sais quel feu sombre qui ne trouve son aliment que dans la domination, je ne sais quelle soif ardente de se distinguer du reste du monde et d’être de ceux que rien n’émeut. « Les grands sont si peu capables de m’étonner. écrit-il, que si j’avois trois royaumes, je les leur donnerais, à condition qu’ils s’obligeraient à en recevoir de moi un quatrième dans lequel je voudrais régner avec eux ; car je n’ai pas moins un esprit de principauté que les plus grands potentats du monde… Si nos naissances sont différentes, nos courages peuvent être égaux. » Tête ronde, tourmentée, brutale, esprit paradoxal, autoritaire, qui cherche à s’isoler de la foule, des passions communes et des idées courantes ; qui hait les jésuites, peut-être autant pour ce qu’ils ont de trivial, que par ce qu’ils déploient de souplesse pratique dans leur prétention à la domination des âmes.

Or ce Duvergier de Hauranne fut le grand-vicaire de l’évêque de Poitiers. Chasteigner de la Rocheposay ; il est l’ami intime de Le Routhillier, abbé de la Cochère, doyen de Luron, le conseiller le plus précieux et le plus aimé de notre évêque.

Ces deux hommes méritent aussi l’attention de l’histoire : le premier, par ce que sa destinée a de singulier, de piquant, de dépaysé dans le siècle où il vécut ; le second, par la façon étroite dont il fut mêlé aux débuts de Richelieu et aux premières luttes du jansénisme.

Chasteigner de la Rocheposay d’Abain était fils de ce La Rocheposay d’Abain, célèbre parmi les combattans des guerres de religion et ami particulier du père de Richelieu. Les deux pères, tous