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Après avoir déploré la mort du roi, il jurait, en son nom et au nom de son clergé de Luçon et de Coussay, « de se comporter, envers le roi Louis XIII à présent régnant, tout ainsi que les très humbles, très affectionnés et très fidèles sujets doivent faire envers leur légitime seigneur et roi. » Il ne s’en tenait pas là ; une adroite flatterie se glissait jusque dans l’ordinaire banalité de ces sortes de formules : « Nous certifions que, bien qu’il semble qu’après le funeste malheur qu’une homicide main a répandu sur nous, nous ne puissions plus recevoir de joie, nous ressentons toutefois un contentement indicible de ce qu’il a plu à Dieu, nous donnant la reine pour régente de cet état, nous départir ensuite de l’extrême mal qui nous est arrivé, le plus utile et nécessaire bien que nous eussions pu souhaiter en nos misères, espérant que la sagesse d’une si vertueuse princesse maintiendra toutes choses au point où la valeur et la prudence du plus grand roi que le ciel eût jamais couvert, les aient établies. Nous jurons, sur la part qui nous est promise en l’héritage céleste, de lui porter obéissance, etc. »

Ce serment, dont les termes étaient si soigneusement pesés et paraissaient devoir être si agréables, en un temps où la cour était pleine d’inquiétude sur la fidélité des provinces et notamment des provinces de l’ouest, ce serment fut immédiatement envoyé à Paris. Richelieu priait son frère de remettre le document à la reine elle-même, en l’accompagnant de paroles significatives. La Cochère devait informer son évêque de l’effet produit.

Malheureusement les choses ne se passèrent pas comme l’impatience de celui-ci l’avait prévu. Personne dans le royaume n’avait songé à rédiger un pareil serment. Remettre le document à la reine eût été afficher un excès de zèle presque ridicule. Les amis de Paris crurent faire sagement en s’abstenant : « Je crois, écrit Bouthillier, que M. de Richelieu vous aura averti qu’il n’a point présenté l’acte de fidélité que vous aviez envoyé, ayant su que cela n’avait été pratiqué par personne, comme, de mon côté, je l’ai particulièrement appris. » L’évêque en fut pour ses frais de rédaction ; mais ses ardeurs n’en furent nullement refroidies.

En effet, au même moment, il décidait brusquement son départ pour Paris. Il en écrivait à sa bonne amie, Mme de Bourges, la priant de lui trouver un logis, de lui acheter des meubles ; « dorénavant, j’espère faire un tour à Paris tous les ans, » ajoute-t-il. Comme son frère, il force sa misère pour subvenir à la première mise de son ambition. Il faut à tout prix faire figure. « C’est grande pitié que de pauvre noblesse, dit-il ; mais il n’y a remède ; contre fortune bon cœur ; » et encore : « Tenant un peu de votre humeur, c’est-à-dire étant un peu glorieux, je voudrais bien, étant plus à