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multipliant auprès d’eux ses protestations, « comme on offre des sacrifices aux dieux mêmes non favorables. » À la mort du comte de Soissons (novembre 1612), il adresse à la comtesse une longue lettre de condoléances écrite dans le style le plus amphigourique ; il offre ses services au duc d’Epernon, alors très en faveur ; à Sully, que sa qualité de gouverneur du Poitou mettait en contact plus direct avec lui ; à Villeroy, qu’il console tout aussi longuement de la mort de sa fille.

Il est, à cette époque, très bénin, très épiscopal. La sécheresse de sa nature s’ingénie à trouver des paroles émues et tendres. Il s’adresse beaucoup aux ecclésiastiques, à l’archevêque d’Aix, au général des chartreux, à l’archevêque de Toulouse, au cardinal de La Rochefoucauld, dont la haute personnalité religieuse pouvait être d’un utile appui.

Il demande au père George « une part dans ses prières. » Il arrange les différends, apaise les querelles ; s’emploie pour ses diocésains, pour M. de Boisverbert, « un de ses meilleurs amis, » pour MM. de Fontmorin, de la Brosse, de La Mabillière et du Coustau, « de bons gentilshommes, ses amis et ses voisins de campagne, » qu’on poursuit injustement ; heureux, enfin, de pouvoir se rendre à lui-même ce témoignage : « je suis maintenant en ma baronnie, aimé, ce me veut-on faire croire, de tout le monde. »

Évidemment, il se rend compte de l’importance que sa province va prendre dans les destinées générales du pays. Par la mort de Henri IV, le lien de la centralisation s’est relâché. Le parti protestant relève la tête ; les revendications locales reprennent quelque vigueur. La cour a besoin de tout le monde : c’est l’heure de s’imposer à la cour.


VI. — L’ÉLECTION AUX ÉTATS DE 1614.

Le personnel que Henri IV avait choisi, et que sa mort avait groupé autour de la régente, commençait à se lasser et à lasser. À une situation nouvelle, il fallait des hommes nouveaux. Ceux qui avaient le mieux personnifié le caractère parfois autoritaire et dur de la politique de l’ancien roi avaient disparu les premiers ; ainsi, le duc de Sully, Villeroy, Sillery, plus souples, étaient restés. Mais leur influence allait en diminuant.

Le parti catholique-espagnol était aux affaires. Des ecclésiastiques, des étrangers conduisaient la France. Nous sommes à l’époque de la faveur de Concini ; faveur inquiète, toujours précaire, cherchant en France des appuis que l’esprit français lui refuse.