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savoir que la loi doit être, comme l’a dit Rousseau, l’expression de la volonté du peuple. C’est, sous forme démocratique, l’adage des anciens juristes romains : « La loi est l’expression de la volonté du souverain. » Des deux parts, l’erreur est profonde et fertile en conséquences funestes. Les lois doivent être l’expression des nécessités sociales. Mirabeau l’a dit admirablement : « La raison est (c’est-à-dire doit être) le souverain du monde. » Grande vérité, que Guizot a reproduite en ces termes : « C’est toujours de la raison, jamais de la volonté, que dérive le pouvoir. » Pourquoi le père a-t-il autorité sur son enfant ? Parce qu’il sait mieux ce qui lui est utile, de sorte qu’il est de l’intérêt des deux que celui qui a le plus de raison commande et que celui qui en a le moins obéisse.

En tout pays, à un certain moment, il y a des règlemens qui sont les plus conformes à la justice et à l’intérêt général. Ce sont ces règlemens qu’il s’agit de découvrir et de convertir en lois : lois politiques, lois civiles, lois pénales, lois commerciales, lois administratives. Ceci est affaire de science, non de volonté. Certes, le souverain, — roi, parlement ou peuple, — peut prendre telles résolutions qu’il voudra ; mais les conséquences qui en résulteront dépendront non de lui, mais de la nature des choses. S’il a fait de mauvaises lois, il en portera la peine. La politique est une science d’observation ; c’est à elle qu’il faut en appeler, non à la volonté si souvent égarée du peuple, à moins qu’on ait plus de confiance en lui qu’en ses représentans. Il est vrai que c’est là, dit-on, le cas en Amérique.


III

L’organisation des communes a subi, aux États-Unis, des modifications encore bien plus radicales que les constitutions des états, et, ce qui étonne, elles semblent faites dans un esprit complètement opposé. Pour la législation des états, on se rapproche peu à peu du gouvernement direct, tandis que, pour l’administration communale, on fortifie sans cesse le principe d’autorité, on accroît les pouvoirs du maire, de façon à en faire un vrai dictateur, et on restreint dans une limite de plus en plus étroite les prérogatives des conseillers municipaux. Pour comprendre combien ce changement est grand, il faut voir ce qu’était la commune américaine ; et, à cet effet, il est nécessaire de remonter à ses origines en Angleterre.

Dans la Bretagne anglo-saxonne, avant la conquête des Normands, le village, le tunscip, réglait les intérêts locaux dans l’assemblée générale de tous les habitans, le tunfcipmot. Leur affaire la plus